Débats du Sénat (Hansard)
Débats du Sénat (hansard)
1re Session, 36e Législature
Volume 137, Numéro 140
Le jeudi 13 mai 1999
L'honorable Gildas L. Molgat, Président
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- AFFAIRES
COURANTES
- La
Loi sur la protection des pêches côtières
La Loi sur la marine marchande du Canada - Propositions présentées en vue d'une loi corrective
- Examen de la réglementation
- Projet de loi sur la gestion des terres des Premières nations
- Projet de loi d'intérêt privé
- Affaires sociales, sciences et technologie
- Les solutions au problème du tabagisme
- Le programme d'échange de pages avec la Chambre des communes
- La
Loi sur la protection des pêches côtières
- PÉRIODE
DES QUESTIONS
- Les transports
- La
défense nationale
- La proposition de réduire l'armée de réserve-Le risque que la Nouvelle-Écosse perde des régiments-La position du gouvernement
- La proposition de réduire l'armée de réserve-La réduction de la présence des armes de combat
- La proposition de réduire l'armée de réserve-L'implantation des quartiers généraux des unités au Cap-Breton, en Nouvelle-Écosse-La position du gouvernement
- L'agriculture
- Les Affaires étrangères
- Les Affaires intergouvernementales
- Le développement des ressources humaines
- RÉPONSES DIFFÉRÉES À DES QUESTIONS ORALES
- Les relations Canada-États-Unis
- L'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord
- Le Sénat
- AFFAIRES COURANTES
- ORDRE
DU JOUR
- Projet de loi de 1998 modifiant l'impôt sur le revenu
- Projet de loi sur la gestion des terres des Premières nations
- La
loi sur la protection des pêches côtières
La Loi sur la marine marchande du Canada - Propositions en vue d'une loi corrective
- Le Code criminel
- Projet de loi sur la sanction royale
- Projet de loi sur les perquisitions et les saisies internationales
- La Loi électorale du Canada
- L'état du système financier
- La région de l'Asie-Pacifique
- Les langues officielles
- L'ajournement
LE SÉNAT
Le jeudi 13 mai 1999
La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.Prière.
[Traduction]
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
L'Université Acadia
Le programme Avantage Acadia
L'honorable Norman K. Atkins: Honorables sénateurs, j'attire l'attention du Sénat sur les réalisations remarquables d'un établissement d'enseignement de la vallée de l'Annapolis, en Nouvelle-Écosse. Le 16 avril 1999, le programme Avantage Acadia de l'Université Acadia est devenu partie intégrante de la collection de recherche permanente sur la technologie de l'information du Musée national de l'histoire américaine de l'Institut Smithsonian. Le même jour, la collection 1999 de la nouvelle technologie de l'information a été officiellement présentée à l'institut.Pour ceux d'entre vous qui l'ignoreraient, le programme Avantage Acadia est une initiative universitaire qui intègre l'utilisation de la technologie au programme d'études de premier cycle, au moyen d'ordinateurs portatifs mis à la disposition des étudiants et des professeurs. Pour y arriver, l'Université Acadia a facilité la formation du corps professoral et des étudiants en informatique. Les salles de classe, les aires communes et les résidences ont toutes été reliées au réseau informatique afin de permettre aux professeurs et aux étudiants d'y accéder partout sur le campus. Le programme Avantage Acadia a contribué à enrichir le programme d'études, à doter les étudiants et les professeurs de liens de communication indispensables et il permet à tous les participants d'accéder aux ressources en ligne partout dans le monde.
Imaginez un étudiant capable de communiquer avec des professeurs et des spécialistes de partout dans le monde à partir de son propre ordinateur portatif. La recherche et l'apprentissage sont à portée des doigts. Ce programme constitue également un atout important pour l'apprentissage en classe.
Cet audacieux projet est en grande partie attribuable au président de l'Université Acadia, M. Kelvin Ogilvie, dont l'esprit visionnaire a été à l'avant-garde des changements nécessaires à l'établissement de ce programme, il y a quatre ans.
M. Ogilvie déclarait récemment:
Nous savions au départ qu'il s'agissait d'une innovation majeure. On pourrait même affirmer qu'il s'agit d'une initiative révolutionnaire en raison de la façon dont elle aide le corps professoral à modifier le milieu de l'apprentissage.
En plus de cet honneur accordé à l'Université Acadia par l'Institut Smithsonian, le programme Avantage Acadia a été proposé pour l'obtention du prix Smithsonian du monde informatique. C'est la première fois que l'Université Acadia fait l'objet d'une reconnaissance internationale pour son programme. L'université est également le seul établissement d'enseignement canadien à avoir été proposé dans la catégorie éducation et enseignement universitaires. Le nom du gagnant de ce prix convoité sera annoncé au début de juin.
Il n'est pas étonnant que toutes les belles initiatives de l'Université Acadia, qui lui ont valu une reconnaissance nationale et internationale, lui aient également valu l'une des plus importantes récompenses jamais accordées à une université canadienne. La famille Irving a donné à l'université un centre de recherche scientifique sur l'environnement de classe internationale, un jardin botanique et un lieu de rencontre sur le campus, qui sera aménagé sur une superficie de huit acres, à l'ouest du campus de l'université.
Ce centre sera unique en Amérique du Nord. On y trouvera toutes les espèces végétales qui croissent dans la partie nord-est du Canada et des États-Unis. Une fois terminé, le centre sera un laboratoire de recherche de niveau international qui attirera des étudiants de partout dans le monde. En plus du centre de recherche, l'université offrira des aires communes où les étudiants et les membres du corps professoral pourront se réunir dans l'un des endroits les plus agréables du campus.
Nous vivons à une époque où les ressources se font rares. Cette situation pose de nombreux défis à nos établissements d'enseignement et les oblige à innover. Si nos établissements veulent être concurrentiels sur le marché de l'apprentissage et des idées, ils doivent aussi gérer leurs finances de façon responsable.
En mettant la technologie informatique au service des étudiants et des professeurs et en établissant un partenariat avec le secteur privé, l'Université Acadia a fait la preuve qu'elle est capable de relever les défis et de réussir.
[Français]
Le championnat de la ligue de hockey junior majeure du Québec
Félicitations aux Titans d'Acadie-Bathurst
L'honorable Fernand Robichaud: Honorables sénateurs, j'aimerais féliciter les joueurs du club de hockey les Titans d'Acadie-Bathurst, qui ont gagné les grands honneurs de la Ligue junior majeure du Québec, lors du dernier match qui a eu lieu le vendredi 7 mai dernier à Bathurst. Les Titans, qui affrontaient les Olympiques de Hull, ont gagné cette finale qui s'est rendue jusqu'au septième match. J'ai assisté à quelques rencontres et nous avons eu droit à du très beau hockey. Les joueurs des deux équipes ont offert des performances dignes de notre sport national. Je félicite également les entraîneurs Roger Dejoie, des Titans, ainsi que Claude Julien, des Olympiques, qui ont fait de l'excellent travail auprès de ces jeunes hockeyeurs.J'aimerais souhaiter bonne chance aux grands champions de la Ligue junior majeure du Québec, les Titans d'Acadie-Bathurst, lors de leur participation à la coupe Memorial, qui aura lieu bientôt ici même, à Ottawa.
[Traduction]
(1410)
La Journée internationale des familles
L'honorable Thérèse Lavoie-Roux: Honorables sénateurs, samedi prochain, le 15 mai, sera la Journée internationale des familles décrétée par l'Assemblée générale des Nations Unies. C'est une occasion de rejoindre les Canadiens et de les encourager à marquer cette journée en soulignant l'importance des familles.La famille touche tant d'aspects de notre vie. Elle est éducatrice. Elle dispense des soins, elle élève et renforce. Il est vrai qu'au sein de la famille, on aide certaines personnes à répondre à leurs besoins fondamentaux pour ce qui est de se nourrir et de se loger et à leur besoin d'avoir un sentiment d'appartenance.
La vie familiale est une source essentielle de force et d'amour, mais elle peut également être la source d'immenses souffrances et douleurs lorsque la haine, la violence ou des mauvais traitements sont présents dans une famille. Il est essentiel que nous donnions l'exemple et faisions tout en notre pouvoir pour mettre un terme aux mauvais traitements et à la violence dans les familles. De plus, nous devons donner aux familles canadiennes le soutien voulu pour leur permettre de bien s'en sortir. Les familles ont besoin d'appuis et d'encouragements. Elles ont besoin des ressources nécessaires pour se bâtir une bonne vie.
Tous les jours, les familles s'adaptent à des influences externes en tentant de relever les défis socioéconomiques et psychologiques qui mettent à rude épreuve le tissu de la vie familiale. L'Institut Vanier de la famille prétend que la famille canadienne moyenne a besoin que les deux parents travaillent pour couvrir les dépenses de base. Le fait de devoir concilier les demandes du milieu de travail et de la famille peut conduire à beaucoup de stress et à un vif sentiment de culpabilité, surtout lorsque le milieu de travail ne tient pas compte des responsabilités familiales et lorsqu'il y a un manque de services pour s'occuper des enfants et des aînés.
Même si le fait de s'occuper d'enfants est la responsabilité la plus courante des familles, de plus en plus, les familles s'occupent d'un membre âgé. Cependant, de nombreux aînés ne peuvent compter sur les soins que les familles peuvent prodiguer. De plus en plus d'aînés ont besoin d'aide pour vivre pleinement dans notre collectivité.
Honorables sénateurs, le thème de cette année de la Journée internationale de la famille est «Les familles pour tous les âges». Les gens de tous âges ont besoin d'une famille. Je ne peux imaginer la vie sans une famille. La famille est l'une des choses qui a le plus d'influence sur notre bien-être. Les familles doivent s'occuper de leurs membres et il incombe à notre société de les appuyer en mettant de l'avant des politiques favorables aux familles et en aidant les familles qui ont de grands besoins.
Ainsi, en cette journée, réfléchissons aux défis que doivent relever les familles dans notre société. Chose plus importante encore, rendons hommage au ressort de la famille.
[Français]
Permettez-moi de rappeler à mes collègues qu'ils ont sans aucun doute reçu ce rapport du Conseil national du bien-être intitulé Pre-School Children: Promises to Keep.
[Traduction]
Comme les honorables sénateurs auront probablement un peu de temps libre au cours des deux semaines qui viennent, je les invite à en prendre connaissance. Au-delà des déclarations, il nous faut nous employer plus activement à aider les familles et à résoudre les divers problèmes qui assaillent notre société.
[Français]
L'honorable Solange Chaput-Rolland
L'honorable Thérèse Lavoie-Roux: Honorables sénateurs, si vous me le permettez, je voudrais simplement rappeler à mes collègues que demain, c'est le 80e anniversaire de naissance de notre ex-collègue, l'honorable Solange Chaput-Rolland. Comme elle n'est pas très bien, je suis sûre que si certains voulaient lui donner signe de vie, cela lui ferait grand plaisir.La Semaine nationale des soins infirmiers
L'honorable Lucie Pépin: Honorables sénateurs, en tant qu'ex-infirmière, j'aimerais souligner, comme certains de mes collègues l'ont fait précédemment, la Semaine nationale des soins infirmiers célébrée cette semaine. Prenons quelques moments pour réfléchir à la prodigieuse contribution des infirmières et des infirmiers du Canada. Il ne fait aucun doute que les infirmières et les infirmiers autorisés sont la pierre angulaire du système de santé au Canada. Sans leur appui indéfectible, nous n'aurions jamais la qualité et l'accessibilité des soins de santé qui sont les nôtres.À l'heure des grandes restructurations, cependant, c'est aussi le personnel infirmier qui subit le climat d'incertitude et de stress qui accompagne tout changement. Depuis 1992, plus de 20 000 postes d'infirmières et d'infirmiers à temps complet ont été convertis en postes à temps partiel ou occasionnels.
Alors que le personnel infirmier perd sa sécurité d'emploi et le niveau de rémunération qui y correspond, les réductions opérées dans le système de santé ont alourdi leur charge de travail. Lors d'entrevues réalisées par la faculté des soins infirmiers de l'Université Laval en 1998, trois infirmières sur quatre ont dit qu'elles n'en pouvaient plus et qu'elles ne pouvaient plus faire leur travail comme elles le voudraient.
Dans notre quête d'efficacité et en espérant faire des économies, nous avons remplacé le personnel infirmier autorisé par un personnel qui a une formation moindre et qui n'appartient pas à une profession réglementée. Non seulement ce mouvement a-t-il dévalorisé le rôle essentiel joué par les infirmières dans notre système de soins de santé, mais plusieurs études démontrent que les soignants génériques ont des taux de productivité moindres et qu'il faut les superviser de plus près que les infirmières et les infirmiers autorisés.
[Traduction]
Dans les circonstances déprimantes actuelles, faut-il s'étonner que les gouvernements provinciaux soient confrontés à des infirmières furieuses? Les infirmières sont des personnes excessivement patientes, dévouées et responsables. C'est la profession qui le veut ainsi. Si elles déclenchent des grèves ou menacent de le faire, c'est parce qu'elles sont acculées au mur et qu'elles ne trouvent pas d'autres moyens d'exprimer leur frustration devant la vision étroite qui caractérisent les récentes réformes dans le domaine de la santé.
Il est temps que les gouvernements et les responsables de la santé reconnaissent la véritable contribution des infirmières. Si nous voulons nous orienter vers des soins centrés sur le patient et vers la prestation communautaire, et si nous voulons maintenir la qualité des soins et leur accessibilité, comment pouvons-nous espérer y parvenir en traitant nos infirmières de la sorte?
Les infirmières sont admirablement bien placées pour conseiller le gouvernement et les responsables de la santé sur les réformes à entreprendre dans ce domaine. Y a-t-il des gens qui connaissent mieux le terrain et qui soient plus au courant des besoins des malades que nos infirmières?
Si ces arguments ne nous convainquent pas, celui-ci y parviendra peut-être: les infirmières et infirmiers représentent environ un électeur sur sept au Canada. La profession est de plus en plus unie et politisée. Les politiciens ne peuvent plus ne pas tenir compte de cela.
[Français]
Le ministre de la Santé a été sage de reconnaître la puissance de la profession et il a investi là où cela compte. Il a en effet créé dans le budget fédéral de 1999 une caisse de 25 millions de dollars pour appuyer la recherche en soins infirmiers. Souhaitons que ce soit la première de plusieurs initiatives partout au Canada pour encourager les infirmières et les infirmiers et appuyer leur rôle dans la réforme des soins de santé. Je vous encourage donc, honorables sénateurs, à appuyer les démarches des infirmières et des infirmiers dans chacune de vos régions. Nous leur devons notre appui en signe de reconnaissance pour tous les services rendus.
[Traduction]
Les anciens combattants
Les bataillons noirs
L'honorable Calvin Woodrow Ruck: Honorables sénateurs, en 1916, deux ans après le début de la Première Guerre mondiale, le gouvernement de sir Robert Borden autorisait la création d'un bataillon noir ségrégué, connu sous le nom de Deuxième bataillon du génie. Cette décision avait pour origine le fait que les volontaires noirs éprouvaient d'énormes difficultés à s'engager dans les Forces canadiennes. On leur répondait souvent: «C'est une guerre de Blancs», ou «On vous appellera quand on aura besoin de vous.» Néanmoins, ils persistèrent et le gouvernement finit par autoriser la création d'un bataillon uniquement composé de Noirs. Il fut placé sous le commandement du colonel Sutherland, de Pictou, en Nouvelle-Écosse.Chaque année, le deuxième samedi de juillet, nous allons à Pictou rendre hommage à ces anciens combattants. Le gouvernement intérimaire de Kim Campbell a reconnu ce bataillon il y a quelques années en faisant ériger un monument à sa mémoire dans la ville de Pictou, d'où notre pèlerinage annuel à Pictou.
(1420)
Ces hommes n'avaient pas demandé à servir dans un bataillon ségrégué. Ils étaient prêts à servir dans n'importe quelle capacité. De l'île Saltspring, en Colombie-Britannique, à l'île du Cap-Breton, ils subissaient le même traitement: «On vous appellera quand on aura besoin de vous.» Ils partirent outre-mer en tant que bataillon du génie rattaché au Corps forestier. Ils reçurent les félicitations du gouvernement pour services rendus au roi et à leur pays.
Je suis certain que de nombreux Canadiens ignorent l'existence d'un bataillon de Noirs pendant la Première Guerre mondiale. Ils étaient commandés en majorité par des officiers blancs, sauf l'aumônier, un Noir venu des États-Unis. Le bataillon fit ce qu'on lui demandait en tant que membre du Corps forestier, et ses services lui valurent les félicitations du gouvernement. Après la guerre, ces hommes rentrèrent chez eux, mais ce n'est que 52 ans plus tard que leurs services furent reconnus par le gouvernement de Kim Campbell, qui fit ériger un monument à leur mémoire.
Nous sommes fiers de ce bataillon. Certains de ces hommes étaient nos grands-pères ou nos pères. Ils firent ce qu'on leur demandait.
Si jamais une troisième guerre mondiale devait éclater, les Noirs seraient fiers de se joindre à leurs compatriotes blancs et de servir leur pays. Nous aimons notre pays et nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour le défendre.
Le conflit en Yougoslavie
L'honorable Francis William Mahovlich: Honorables sénateurs:Lorsque les enfants de nos enfants parleront de
la guerre comme d'une folie qui pourrait ne pas se réaliser;
Lorsque nous remercierons Dieu de notre peine et
qu'en l'honneur de nos morts nous ornerons
les mers de la bannière de la paix,
Alors ce sera vraiment la Victoire.
Gwynne Dyer, un écrivain canadien établi à Londres et l'un des plus grands experts au monde dans le domaine de l'histoire militaire, aurait semble-t-il dit qu'aucune des grandes puissances du monde actuel n'avait d'intérêt vital dans les Balkans, que la région avait complètement disparu de la carte, tant du point de vue économique que stratégique, et que rien de ce qui s'y passe à l'heure actuelle ne risquait de s'étendre au-delà de cette région. Autrement dit, le conflit actuel ne donnera probablement pas naissance à la troisième guerre mondiale.
J'ai posé l'autre jour la question suivante à un professeur de science politique de l'université de l'État du Kansas, le professeur Herspring, qui m'a affirmé le contraire. Selon lui, cela pourrait très bien se produire.
Le sénateur Whelan me dit souvent: «Frank, on ne peut pas prouver une négation.» J'en conviens, mais il se pourrait que le temps puisse le faire. Si on attend assez longtemps, le temps pourrait bien être le facteur qui pourra prouver cette négation.
Gordon Barfors, du ministère des Affaires étrangères, affirme qu'il y a effectivement dans toute cette crise des Balkans des coupables autres que le grand responsable Slobodan Milosevic, mais qu'il ne faut pas les chercher du côté de l'OTAN à Bruxelles. Il dit que nous devrions plutôt nous tourner du côté de Moscou et de la Chine. Cela me laisse un peu perplexe. Il y a une certaine logique dans tout cela. Si la Russie avait décidé de dire à Milosevic de ne pas envahir le Kosovo, le problème n'existerait peut-être pas.
Le Toronto Star, qui est un journal libéral, a rapporté que le général Klaus Newman aurait dit que les frappes aériennes devraient être prolongées parce qu'on avait pas utilisé suffisamment de force et que le président yougoslave pourrait toujours atteindre son but et effectuer une déportation massive de tous les gens d'origine albanaise.
L'envoyé russe, Victor Tchernomyrdine, a souligné que les Nations Unies devraient travailler à la résolution de la crise du Kosovo. Selon le professeur Bliss, de l'Université de Toronto, les Nations Unies sont frappées de paralysie.
Comme dans toute guerre, il y a de la propagande, et c'est ce que je trouve chaque fois que je lis un journal.
La politique monétaire insensée de M. Milosevic avait fait des ravages bien avant que l'OTAN ne frappe en Yougoslavie. Ruiner une économie et déclencher une guerre, c'est un vieux stratagème. Avoir une monnaie solide est un besoin humain tout à fait fondamental. Slobodan Milosevic devrait être mis au banc des accusés pour cette nouvelle violation des droits de la personne - pour autant que les droits de la personne existent dans cette partie du monde.
James Bisay, ambassadeur du Canada en Yougoslavie en 1990, a dit l'autre jour sur la chaîne parlementaire que le Sénat ne tenait pas assez compte du Kosovo dans ses débats. Les propos qu'il a tenus n'étaient pas favorables au Sénat, c'est le moins qu'on puisse dire. Il est allé jusqu'à dire que l'arsenal nucléaire russe était prêt à être utilisé à tout moment, ce qui est en contradiction avec ce que j'ai entendu dire jusqu'ici.
Si nous pouvions inviter M. Bisay à venir s'exprimer devant le Sénat, cela serait à mon avis très révélateur. Sa présence constituerait un défi pour nous.
AFFAIRES COURANTES
La Loi sur la protection des
pêches côtières
La Loi sur la marine marchande du Canada
Projet de loi modificatif-Rapport du comité
L'honorable Gerald J. Comeau, président du Comité sénatorial permanent des pêches, présente le rapport suivant:Le jeudi 13 mai
Le Comité sénatorial permanent des pêches a l'honneur de présenter son
QUATRIÈME RAPPORT
Votre comité, auquel a été déféré le projet de loi C-27, Loi modifiant la Loi sur la protection des pêches côtières et la Loi sur la marine marchande du Canada afin de mettre en oeuvre, d'une part, l'Accord aux fins de l'application des dispositions de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982 relatives à la conservation et à la gestion des stocks de poissons dont les déplacements s'effectuent tant à l'intérieur qu'au-delà de zones économiques exclusives (stocks chevauchants) et des stocks de poissons grands migrateurs et, d'autre part, d'autres ententes ou traités internationaux en matière de pêche, a, conformément à l'ordre de renvoi du mardi 27 avril 1999, étudié ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.Observation:
Votre comité fait remarquer qu'il a demandé au légiste et conseiller parlementaire de corriger une erreur typographique dans le parchemin, en ajoutant les mots suivants dans la version anglaise du projet de loi, à la page 6, article 4, après le dernier mot de la ligne 18: «pursuit that began while the vessel was in Canadian fisheries waters».
Respectueusement soumis,
Le président,
GERALD J. COMEAU
L'honorable Fernand Robichaud: Avec la permission du Sénat, plus tard aujourd'hui.
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, la permission est-elle accordée?
Des voix: D'accord.
Son Honneur le Président: L'honorable sénateur Robichaud, appuyé par l'honorable sénateur Rompkey, propose, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)b) du Règlement: Que le projet de loi soit lu une troisième fois plus tard aujourd'hui. Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?
L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Je n'ai aucune objection, mais j'aimerais voir une copie du rapport. Si nous devons donner la permission, nous voulons savoir sur quoi elle porte et nous aimerions voir ce que dit le rapport, même si ce n'est qu'un paragraphe.
Son Honneur le Président: Voulez-vous que je reporte la motion?
Le sénateur Lynch-Staunton: Je n'ai aucune objection. De toute façon, elle sera reportée puisque c'est plus tard aujourd'hui. Toutefois, si nous donnons la permission pour la troisième lecture plus tard aujourd'hui, nous devrions au moins avoir une copie du rapport devant nous afin de savoir quels sont les commentaires du comité à propos de ce projet de loi et peut-être en discuter à la troisième lecture.
Son Honneur le Président: Je demanderai au greffier de lire le rapport en entier.
Le sénateur Lynch-Staunton: Ce n'est pas nécessaire. Je désire qu'on en fasse distribuer une copie.
Son Honneur le Président: En attendant, nous mettrons une copie à disposition. Les honorables sénateurs sont-ils d'accord pour que nous laissions cette question en suspens pour l'instant et pour que nous passions aux autres rapports de comités? Nous pourrons revenir à cette question une fois que nous aurons le texte écrit.
Des voix: D'accord.
Propositions présentées en vue d'une loi corrective
L'étude d'un document déposé-Présentation du rapport du comité des affaires juridiques et constitutionnelles
L'honorable Lorna Milne: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de présenter le vingt-quatrième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, qui traite de propositions visant à corriger des anomalies, contradictions ou erreurs relevées dans les Lois du Canada, et à y apporter d'autres modifications mineures et non controversables ainsi qu'à abroger certaines lois ayant cessé d'avoir effet.Je demande que le rapport soit imprimé en annexe aux Journaux du Sénat d'aujourd'hui.
Son Honneur le Président: Permission accordée, honorables sénateurs?
Des voix: D'accord.
(Le texte du rapport figure dans les Journaux du Sénat d'aujourd'hui, à l'annexe «A», p. 1618.)
(1430)
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand étudierons-nous ce rapport?
Le sénateur Milne: Avec la permission du Sénat, plus tard aujourd'hui.
Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?
Des voix: D'accord.
L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Votre Honneur, encore une fois, nous avons un rapport du comité qui a étudié ce projet de loi. Nous devrions certainement voir le fruit de ses efforts avant de passer à toute vitesse à la troisième lecture. Ce n'est pas parce que c'est la dernière journée avant un congé que nous devons être aussi pressés.
Son Honneur le Président: Nous allons faire imprimer le rapport. Je suggère que nous laissions cette mesure de côté jusqu'à ce que tous les rapports de comités aient été présentés.
[Français]
Examen de la réglementation
Présentation et impression en annexe du rapport budgétaire du comité mixte permanent
L'honorable Céline Hervieux-Payette, coprésidente du Comité mixte permanent d'examen de la réglementation, présente le rapport suivant:Le jeudi 13 mai 1999
Le comité mixte permanent d'examen de la réglementation a l'honneur de présenter son
CINQUIÈME RAPPORT
(«A» présenté seulement au Sénat)
Votre comité, autorisé par l'article 19 de la Loi sur les textes réglementaires, L.R.C. de 1985, c. S-22, d'étudier et de contrôler les textes réglementaires, demande que des fonds lui soient approuvés pour 1999-2000.Conformément à l'article 2:07 des Directives régissant le financement des comités du Sénat, le budget présenté au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration ainsi que le rapport s'y rapportant, sont annexés au présent rapport.
Respectueusement soumis,
La coprésidente,
CÉLINE HERVIEUX-PAYETTE
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand étudierons-nous ce rapport?
Le sénateur Hervieux-Payette: Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'article 58(1)g) du Règlement, je propose que le rapport soit adopté dès maintenant.
[Traduction]
L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, c'est la même chose pour ce rapport. Pouvons-nous en avoir un exemplaire? Nous avons entendu ce que le greffier adjoint a lu, mais nous aimerions en avoir un exemplaire en main.
[Français]
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, nous allons remettre l'entente à un peu plus tard au cours de la présente séance.
[Traduction]
Projet de loi sur la gestion des terres des Premières nations
Rapport du comité
L'honorable Charlie Watt, président du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, présente le rapport suivant:Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones a l'honneur de présenter son
NEUVIÈME RAPPORT
Votre comité, auquel a été déféré le projet de loi C-49, Loi portant ratification de l'Accord-cadre relatif à la gestion des terres des Premières nations et visant sa prise d'effet, a, conformément à l'ordre de renvoi du mardi 13 avril 1999, étudié ledit projet de loi et en fait maintenant rapport avec les modifications et observations suivantes:1. Dans la version anglaise, remplacer la ligne 25 par ce qui suit:Article 28, page 15:
2. Remplacer les lignes 42 à 44 par ce qui suit:«other first nation community purposes.».
Votre comité est très conscient que les mesures de gestion des terres contenues dans le projet de loi C-49 ont une importance cruciale pour l'épanouissement économique, social et politique des Premières nations participantes et il recommande fortement que le projet de loi soit étudié rapidement.«té équitable et d'appliquer, dans le calcul de celle-ci, les règles prévues par la Loi sur l'expropriation, compte tenu des adaptations nécessaires.».
Votre comité accuse réception de la lettre du 12 mai 1999 de la ministre des Affaires indiennes et du Développement du Nord, qui pense comme lui qu'il est urgent de s'occuper de la question des droits des femmes autochtones, notamment le partage des biens matrimoniaux. Compte tenu des garanties constitutionnelles existantes, votre comité accepte l'invitation de la ministre de l'aider en étudiant cette question dans un forum officiel et il s'engage à mener l'étude demandée à l'automne 1999,
Respectueusement soumis,
Le président,
CHARLIE WATT
Le sénateur Watt: Avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)g) du Règlement, je propose que nous adoptions le rapport maintenant.
Son Honneur le Président: Permission accordée, honorables sénateurs?
L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, je suis plus au courant de cette question que des trois autres qui ont précédé. Cependant, j'estime que, par respect pour le Sénat, le rapport devrait être imprimé d'avance, distribué et se trouver sur notre bureau. Bien que nos greffiers au Bureau sachent fort bien lire, c'est à nous qu'il appartient d'étudier ces rapports et de les avoir à notre disposition, après quoi nous pourrons prendre la décision qui s'impose.
Lorsque des rapports doivent être lus, je demande à nos greffiers au Bureau de veiller à ce qu'il y en ait suffisamment d'exemplaires pour tous les sénateurs au moment de cette lecture.
L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, on a demandé la permission d'étudier cette question maintenant. Je recommande au sénateur Watt de formuler cette demande plus tard aujourd'hui, au cours de l'étude des initiatives ministérielles, à l'appel de l'ordre du jour. D'ici là, le greffier verra à faire circuler le rapport.
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, ceci met fin à la présentation des rapports des comités permanents et spéciaux. Cependant, nous en avons toute une série qui sont actuellement en suspens à la demande du chef de l'opposition. Je suis d'avis que nous devrions demander la permission de revenir à la présentation des rapports des comités permanents et spéciaux quand nous aurons le texte de chacun des rapports susmentionnés.
Honorables sénateurs, est-ce d'accord?
Des voix: D'accord.
Projet de loi d'intérêt privé
La section canadienne de l'Église morave d'Amérique-Première lecture
L'honorable Nicholas W. Taylor présente le projet de loi S-30, Loi modifiant la Loi constituant en personne morale le Conseil des anciens de la section canadienne de l'Église morave d'Amérique.(Le projet de loi est lu une première fois.)
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi une deuxième fois?
(Sur la motion du sénateur Taylor, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance du lundi 31 mai 1999.)
Affaires sociales, sciences et technologie
Avis de motion visant l'autorisation d'étudier des questions concernant les personnes qui relèvent de la compétence d'Anciens combattants Canada
L'honorable R. James Balfour: Honorables sénateurs, je donne avis qu'à la prochaine séance du Sénat, je proposerai:Que le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie soit autorisé à entreprendre une étude sur différentes questions concernant les personnes qui relèvent de la compétence d'Anciens combattants Canada, y compris l'accessibilité, la qualité et la nature de tous les services offerts à ces personnes;
Que le comité soit autorisé à permettre la couverture de ses délibérations publiques par les médias électroniques de manière à déranger le moins possible ses travaux;
Que le comité soit autorisé à présenter son rapport final au plus tard le 31 mars 2000; et
Que le comité soit autorisé, sans égard aux pratiques habituelles, si le Sénat ne siège pas lorsque le rapport final du comité est terminé, à déposer le rapport auprès du greffier du Sénat et que le rapport soit considéré comme ayant été déposé devant la Chambre.
(1440)
Les solutions au problème du tabagisme
Avis d'interpellation
L'honorable Colin Kenny: Honorables sénateurs, je donne avis que, le 2 juin 1999, j'attirerai l'attention du Sénat sur les solutions au problème du tabagisme.Le programme d'échange de pages avec la Chambre des communes
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je vous tiens généralement au courant des échanges de pages que nous effectuons avec la Chambre des communes. J'ai le regret de vous informer qu'un de nos pages nous quitte. Kelli Hogan, qui vit actuellement à Hull, au Québec, et qui vient de terminer quatre années d'études à l'Université d'Ottawa et de recevoir son diplôme en science politique et en psychologie, nous quitte aujourd'hui pour poursuivre sa formation à la Chambre des communes, où elle travaillera pour un député.Nous sommes désolés de voir Kelli nous quitter, mais nous nous réjouissons du fait que nos pages poursuivent leur carrière au Parlement en acceptant d'autres postes où ils n'auront, j'en suis sûr, que de bonnes choses à dire à propos du Sénat.
PÉRIODE DES QUESTIONS
Les transports
Le port de Halifax-Le rejet de sa candidature comme port de superpétroliers-La possibilité de sa modernisation-La position du gouvernement
L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.Les dirigeants du port de Halifax, en Nouvelle-Écosse, ont été très déçus d'apprendre, la semaine dernière, que les sociétés de transport maritime Maersk Inc. et Sea-Land Corp. ont décidé d'établir leur superport sur la côte Est dans la région de New York-New Jersey. Les candidatures des villes de Halifax et de Baltimore n'ont pas été retenues pour ce projet de plusieurs millions de dollars.
Ce qui s'est dit dans les médias, c'est que le port de Halifax est trop éloigné des grands marchés nord-américains pour accueillir les navires porte-conteneurs géants. Compte tenu de ce rejet, le leader du gouvernement peut-il nous dire quelles mesures le gouvernement du Canada va prendre maintenant pour continuer à soutenir le port de Halifax et à le moderniser pour qu'il puisse accueillir le trop-plein du port de New York-New Jersey?
L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je remercie le sénateur Oliver de sa question. Je me trouvais à Halifax la semaine dernière, au moment de l'annonce. Il est certain qu'on y a été déçu, et que cette déception a été partagée par tout le Canada. Ce n'était pas seulement Halifax et New York qui s'affrontaient.
Le gouvernement du Canada, par l'entremise de divers ministères directement concernés, a soutenu la proposition du port de Halifax et du gouvernement de la Nouvelle-Écosse. Notre ambassadeur à Washington et notre consul général à New York ont même accompagné le premier ministre MacLellan et d'autres personnes qui ont rencontré les représentants de Maersk-Sea-Land aux États-Unis.
Je devrais ajouter que le premier ministre a écrit une lettre au président directeur général, M. M. Møller, associé principal et président de A. P. Møller Group, la société mère. Sa lettre dit:
Si le Sénat le désire, je serai heureux de déposer cette lettre du premier ministre dans les deux langues officielles.La population du Canada, comme les citoyens de votre Danemark, est fière de sa tradition maritime. Il n'est donc pas surprenant que nous reconnaissions et que nous comprenions entièrement à quel point vos navires de la génération post-Panamax ont révolutionné l'industrie du transport.
À l'aube du XXIe siècle, nous reconnaissons les changements importants qui bouleversent le transport mondial. Le port canadien de Halifax, en Nouvelle-Écosse sur la côte est, a donc présenté une solide soumission, en concurrence avec deux ports américains, pour devenir le site d'un nouveau terminal capable d'accueillir vos navires. L'honorable Russell MacLellan, premier ministre de la Nouvelle-Écosse, me dit que la soumission de Halifax suscite la confiance; elle est fondée sur l'ensemble unique d'avantages que présente le port, notamment un port naturel en eau profonde et un potentiel inégalé pour les navires collecteurs qui desservent les ports américains. À ces avantages géographiques s'ajoute un dossier commercial solide pour un terminal conforme aux exigences de Maersk.
Mon gouvernement appuie entièrement l'idée de choisir Halifax comme votre port sur la côte est. Comme vous le savez sans doute, la soumission de Halifax a reçu l'appui officiel des gouvernements de tous les territoires et de toutes les provinces du Canada, ainsi qu'un appui sans précédent de la collectivité de Halifax. Les Canadiens croient que votre terminal à Halifax créera des perspectives à très long terme et aura des retombées bien au-delà du Canada, dans tout le reste de l'Amérique du Nord et même dans le monde entier.
Je compte bien que la soumission de Halifax sera la soumission gagnante.
Je vous prie d'agréer l'expression de mes sentiments les meilleurs,
Jean Chrétien
Le sénateur Oliver: Honorables sénateurs, c'est très intéressant. Cela confirme que le gouvernement appuie la soumission. Cependant, Halifax n'a pas gagné, sa soumission a été rejetée.
Que compte faire le gouvernement du Canada maintenant pour faciliter l'amélioration de l'infrastructure au port de Halifax? Combien d'argent est-il prêt à engager pour améliorer le port de Halifax afin qu'il puisse accueillir le surplus du trafic du soumissionnaire gagnant?
Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, le gouvernement se devait évidemment d'acquiescer à toute proposition légitime et constructive de partenariat portuaire. Dans le cadre de son budget des immobilisations de 1998, la commission du port de Halifax a demandé et obtenu que le gouvernement fédéral approuve un projet de dragage à trois endroits dans et près des passes, qui permettent l'entrée au bassin Bedford et au port de Halifax, au coût total de 3 millions de dollars.
Parlant de dragage, il vaut la peine de signaler que les chenaux du port de New York-New Jersey, à qui est allé le contrat, ont une profondeur de 40 pieds. On les draguera pour qu'ils atteignent 45 pieds de profondeur, et cela, au coût estimé de 500 millions à 700 millions de dollars américains. Cela prendra beaucoup de temps. Cela ne se fera pas en un ou deux ans. Il faudra dynamiter et creuser et cela pourrait prendre plusieurs années. On nous a assuré que les navires des sociétés Maersk et Sea-Land continueront de mouiller à Halifax, qui est, à notre avis, le meilleur port au monde.
Le port de Halifax a une profondeur naturelle de 60 pieds contre 50 pieds pour celui de Baltimore. En dépit de ces 50 pieds, il faudra draguer le port de Baltimore près des quais. Le port de New York-New Jersey fait 40 pieds de profondeur et il fera 45 pieds après le dragage. Même après le dragage, un navire post-Panamax chargé à ras bord aura beaucoup de mal à entrer dans le port de New York-New Jersey.
D'autres sociétés vont entrer sur la scène internationale et le port de Halifax est bien placé, aujourd'hui comme à l'avenir, pour tirer profit des expéditions et des déchargements qui continuent de se faire. Les sociétés Maersk et Sea-Land nous ont assuré de cela.
La défense nationale
La proposition de réduire l'armée de réserve-Le risque que la Nouvelle-Écosse perde des régiments-La position du gouvernement
L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au ministre. Dans des documents internes, dont un venant du commandant de l'Armée de terre, l'armée recommande de réduire l'infanterie de réserve de 51 à 20 régiments, l'artillerie, de 20 à 11 régiments, et les blindés, de 17 à 10 régiments.Ma question au ministre découle des observations que j'ai présentées hier. Quelles mesures prend-on pour s'assurer que la Nouvelle-Écosse, qui a déjà moins de quatre bataillons, ne perdra pas complètement une de ses unités principales par suite d'un fusionnement avec d'autres unités ou d'une absorption par celles-ci?
(1450)
L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je tiens à donner l'assurance au sénateur que j'ai déjà fait des démarches à cet égard auprès du ministre de la Défense nationale.
Je n'ai eu que des louanges à faire au fil des ans à la milice pour sa contribution. Pour montrer que la milice a toujours un avenir au sein du ministère de la Défense, le gouvernement du Canada a financé la construction de deux nouveaux édifices à Victoria Park, à Sydney, qui serviront justement à la milice et à la réserve.
Le sénateur Forrestall: Ces édifices sont une véritable risée en Nouvelle-Écosse, sénateur, à mon grand regret.
Le sénateur Graham: Vous pourriez peut-être adopter un point de vue plus positif sur les militaires et les installations mises à leur disposition par le gouvernement du Canada.
Le sénateur Forrestall: J'invite le leader du gouvernement au Sénat à appeler les forces terrestres de l'Atlantique et à parler au général Foster au sujet des plans qu'il a présentés au gouvernement il y a environ 10 jours. Sinon, qu'il ne me parle pas de cela.
La proposition de réduire l'armée de réserve-La réduction de la présence des armes de combat
L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, il est également recommandé dans les documents de réduire la présence des armes de combat dans la milice, les baïonnettes et compagnie, de 75 à 35 p. 100. Les jeunes sont entrés dans les armes de combat parce que ce sont elles qui ont frappé leur imagination et qui leur ont permis de servir leur pays.On ne peut pas changer tout d'un coup de politique et leur dire d'adhérer à un peloton postal en cette ère du courrier électronique et s'attendre à ce que les jeunes continuent à se trouver un avenir dans la milice canadienne.
L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, sauf tout le respect que je dois au sénateur Forrestall, il devrait peut-être aller à Sydney et parler aux membres de la milice là-bas. Je fais de mon mieux.
Le sénateur Forrestall: Je sais, mais ne les laissez pas vous berner.
Le sénateur Graham: Quand j'assiste au Cap-Breton à l'ouverture officielle d'un immeuble...
Le sénateur Forrestall: Je suis à vos côtés.
Le sénateur Graham: ... fourni par le gouvernement à la milice du Cap-Breton et quand j'assiste à la levée de la première pelletée de terre pour la construction d'un nouvel immeuble, ce sont des gestes positifs du gouvernement du Canada pour la milice et nos forces de réserve, qui ont apporté des contributions exceptionnelles à nos forces armées et à notre pays.
La proposition de réduire l'armée de réserve-L'implantation des quartiers généraux des unités au Cap-Breton, en Nouvelle-Écosse-La position du gouvernement
L'honorable J. Michael Forrestall: Dois-je déduire de l'absence de tout autre nouvel édifice ailleurs en Nouvelle-Écosse que les unités de réserves de la province seront centralisées au Cap-Breton?L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, un groupe de travail qui comprenait des membres de Réserve 2000, un conseil de colonels honoraires et de commandants adjoints des réservistes de la région, a présenté une proposition préliminaire en avril. Celle-ci doit maintenant être étudiée en détail et évaluée en fonction de tous les critères établis pour la restructuration des réserves. Le ministre de la Défense nationale m'a donné l'assurance que toutes les recommandations positives seront examinées de façon très réaliste.
L'agriculture
Le déclin de l'industrie-La réponse du gouvernement-Demande de renseignements à jour
L'honorable Leonard J. Gustafson: Honorables sénateurs, c'est avec tristesse que je pose des questions sur la situation critique de l'agriculture. Nous, les agriculteurs, sommes des êtres fiers. Notre principal défaut, c'est d'être trop productifs. Cependant, cela a été une grande force de notre pays.Compte tenu des questions qui lui ont été posées hier et du fait qu'il s'est engagé à transmettre nos préoccupations au Cabinet et au premier ministre, le leader du gouvernement au Sénat a-t-il des nouvelles ou quelque chose de positif à nous communiquer aujourd'hui?
L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je me suis entretenu directement avec le premier ministre. J'ai aussi parlé directement au ministre de l'Agriculture, hier après-midi, et assez longuement ce matin pendant une réunion du Cabinet de 8 heures à 13 h 30. Il y a eu quelques pauses, et nous en avons profité pour discuter face à face.
Je n'ai pas de déclaration officielle à faire au nom du ministre, si ce n'est pour rappeler que le Programme d'aide en cas de catastrophe liée au revenu agricole qui, conformément à l'annonce faite le 10 décembre dernier, a permis le versement d'une aide de 900 millions de dollars aux agriculteurs de l'Ouest, visait à régler le problème de la chute précipitée et inattendue des prix en 1998, notamment ceux du grain et du porc, à des niveaux inférieurs aux prix de 1997.
Bien avant la création de l'ACRA, le ministre de l'Agriculture avait entamé des discussions avec les agriculteurs et avec les provinces. Il communique chaque jour avec les provinces pour discuter d'un examen global du programme de sécurité du revenu agricole et de l'efficacité de l'ensemble des programmes de gestion du risque.
L'expérience de l'ACRA en 1998 servira de base à l'examen de la situation générale et, si nécessaire, des modifications seront apportées au programme en 1999. N'oubliez pas que les paiements sont partagés dans des proportions de 60 p. 100 et de 40 p. 100, ce qui exige donc l'accord de toutes les provinces.
Je crois que, à l'époque où il a fait cette annonce, le ministre de l'Agriculture a déclaré que cela pourrait bien être «tout» pour tous les producteurs. Cependant, il serait peut-être utile que les honorables sénateurs essaient de leur côté d'encourager les agriculteurs à remplir les formulaires des programmes. Comme l'ont souligné les sénateurs Gustafson et Andreychuk hier, cela crée de grandes difficultés, surtout en Saskatchewan. Dans les autres provinces, le programme fonctionnerait apparemment bien et les agriculteurs rempliraient leurs formulaires. Tous les sénateurs devraient encourager les agriculteurs à remplir les formulaires maintenant, car nous sommes à une période critique de l'année.
Le sénateur Gustafson: Honorables sénateurs, je remercie le leader du gouvernement d'avoir porté la question à l'attention du Cabinet et du premier ministre. J'espère qu'il assurera un suivi, car la crise est grave. Je ne crois pas que le gouvernement s'était rendu compte de la gravité du problème lorsqu'il a réagi à la chute des prix du porc. En l'occurrence, il a réagi rapidement, mais le problème est plus grave encore. Le prix des céréales est tombé en chute libre. Une crise grave se prépare. Elle aura empiré au milieu de l'été. Beaucoup d'agriculteurs n'ont pas les fonds nécessaires pour ensemencer leurs champs. La situation est très difficile pour eux.
Le gouvernement doit prendre des mesures spéciales pour atténuer le problème. Nous n'aimons pas les termes comme «spécial» et «surfaces ensemencées», mais il faut bien se résoudre à les employer. Il nous faut un programme à court terme et un autre à long terme. Je remercie encore le leader de porter la situation à l'attention du gouvernement. Je lui demande de maintenir la pression parce que la situation est très grave. C'est davantage une déclaration qu'une question, mais je crois que ces choses doivent être dites.
Le sénateur Graham: Laissez-moi répondre à cette déclaration tout à fait valable.
Afin de mieux me renseigner sur la situation et sur le point de vue des habitants de l'Ouest, j'ai demandé des coupures de journaux. J'ai ici une coupure de l'édition d'hier du Star Phoenix, à Saskatoon. Il est signé par Kevin Hursh.
(1500)
Je vais lire la première et la dernière phrase. L'article est intitulé: «Les agriculteurs ne devraient pas être intimidés par le programme ACRA». La première phrase dit ceci:
Remplissez le fameux formulaire et envoyez-le. C'est peut-être là le meilleur conseil à donner relativement au programme ACRA, le Programme d'aide en cas de catastrophe liée au revenu agricole.
La dernière phrase dit ceci:
En tant que programme d'aide axé sur le marché, le programme ACRA est probablement sur la bonne voie. Si on veut transformer les agriculteurs en assistés sociaux à long terme, le programme ACRA n'est certainement pas ce qu'il faut.
Les défauts du Programme d'aide en cas de catastrophe liée au revenu agricole-La position du gouvernement
L'honorable Leonard J. Gustafson: Honorables sénateurs, cela montre que le programme ACRA ne fonctionne pas. Il est fondé sur 70 p. 100 de la moyenne des trois dernières années. Pour les agriculteurs qui vivent dans une région aussi durement touchée par la sécheresse que l'ouest de la Saskatchewan ou pour ceux qui ont été victimes de la grêle, comme mes voisins, 70 p. 100 du revenu moyen sur trois ans, c'est zéro. De plus, il y a beaucoup de confusion à l'égard du programme. Je n'ai pas encore rencontré un groupe agricole qui dise que le programme fonctionnera, y compris la Fédération de l'agriculture, dont j'ai rencontré des représentants hier.Les conclusions du Comité sénatorial permanent de l'agriculture à ce sujet sont très sérieuses.
Le leader du gouvernement au Sénat continuera-t-il de transmettre ces préoccupations au premier ministre et au Cabinet?
L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je parlerai de nouveau à mon collègue, le ministre de l'Agriculture et je lui transmettrai, plus tard aujourd'hui, les préoccupations qui ont été exprimées.
Le déclin de l'industrie-La position du gouvernement
L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, les points soulevés par le leader du gouvernement au Sénat sont peut-être valables ici, mais ils ne sont pas valables dans certaines régions de la Saskatchewan. On ne peut pas simplement remplir un formulaire et attendre une réponse magique. Les agriculteurs sont très intelligents. Comme le sénateur Gustafson l'a signalé, même s'ils remplissent le formulaire, ils n'auront rien, et ils le savent.Les familles agricoles de la Saskatchewan ont mis sur pied un groupe de prévention du suicide. Pensez à ce qu'il en est d'être isolé dans une exploitation agricole avec des enfants, en sachant que l'on n'a pas d'argent. Pourquoi alors remplir un formulaire qui ne modifiera pas la situation?
C'est là le problème auquel il faut faire face. Nous demandons une intervention immédiate devant la crise qui frappe les familles agricoles de la Saskatchewan.
Nous demandons une aide immédiate. Nous ne demandons pas d'assistance sociale à long terme. Nous souhaitons une intervention à court terme dans cette situation de crise, afin que les groupes de prévention du suicide ne soient plus une nécessité.
L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Je remercie l'honorable sénateur Andreychuk d'avoir porté cet aspect à notre attention. Ce n'est pas réjouissant, mais d'après les discussions que j'ai eues aujourd'hui avec divers intervenants, un nombre plus grand d'agriculteurs que la semaine dernière présentent le formulaire.
Je suis conscient des difficultés que connaît l'Ouest du Canada, et plus particulièrement la Saskatchewan. Toutefois, selon les plus récentes prévisions de revenu agricole, en 1999, le revenu agricole net en espèces devrait atteindre 6,7 milliards de dollars pour l'ensemble du secteur. C'est une augmentation de 11 p. 100 par rapport à la moyenne des cinq dernières années.
Le sénateur Andreychuk: Honorables sénateurs, c'est peut-être vrai en ce qui concerne la moyenne générale, mais il existe des difficultés dans les petites exploitations agricoles familiales où l'on n'a pas la souplesse voulue pour envisager l'avenir avec optimisme. Comment va-t-on faire pour que ces gens aient un avenir alors qu'ils abandonnent leur exploitation? Ils ne seront plus là pour profiter des prévisions de l'an prochain. Il faut agir immédiatement.
Nous avons connu une tempête de verglas et des inondations. La situation actuelle dans le domaine de l'agriculture a la même incidence dramatique sur les exploitations agricoles familiales en Saskatchewan.
Le sénateur Graham: Je remercie l'honorable sénateur de ses commentaires supplémentaires. J'attache beaucoup de sérieux à cette question. Je parlerai de nouveau à mon collègue plus tard dans la journée.
[Français]
Les Affaires étrangères
L'organisation d'une rencontre diplomatique entre le président du Mexique et le premier ministre du Québec par le ministère des Affaires étrangères-La position du gouvernement
L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, ma première question touche aux circonstances entourant la décision du ministère des Affaires étrangères du Canada d'organiser ou non une rencontre entre le premier ministre du Québec et le président de la République du Mexique, Ernesto Zedillo. Le leader du gouvernement peut-il nous expliquer la politique du gouvernement à ce sujet?Ma deuxième question touche une observation lue dans le National Post.
[Traduction]
Il rapporte les propos de Stéphane Dion, ministre des Affaires intergouvernementales, au sujet de la rencontre que le très honorable Joe Clark, chef du Parti progressiste-conservateur, a eue avec Lucien Bouchard.
M. Clark n'apprendra jamais. L'autre jour, il a dit qu'il était encore ami avec Lucien Bouchard...
J'ai été moi-même sous-ministre de Lucien Bouchard et je me considère encore comme un de ses amis. Le gouvernement ne croit-il pas qu'il vaut mieux construire des ponts sur les piliers de l'amitié plutôt que sur ceux de la dissociation?
L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je suis d'accord pour ce qui est de la communication et des piliers de l'amitié. Je reconnais également que le Canada parle pour le Canada lors de négociations internationales.
[Français]
Les Affaires intergouvernementales
Demande de précisions sur les propos du ministre
L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, encore une fois, nous touchons à des éléments très sensibles de notre fédération, les relations entre le Québec et le Canada. Le ministre peut-il nous expliquer un peu plus la position brutale du ministre Dion? Elle heurte les Québécois, même ceux qui ne sont pas séparatistes. Lorsque le ministre Dion se pose des questions sur l'amitié qui peut exister entre un fédéraliste de l'Alberta, un ex-premier ministre, le Très honorable Joe Clark, et le premier ministre de tous les Québécois, le leader du gouvernement peut-il nous dire si c'est vraiment la position du gouvernement ou si c'est uniquement la position du ministre?[Traduction]
L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je vais demander des précisions au ministre Dion afin de m'assurer qu'il n'a rien à ajouter à ce qu'il a déjà dit.
Le sénateur Nolin: Ai-je raison de croire que ce n'est pas la position du gouvernement, mais plutôt celle de M. Dion, que d'entretenir des relations conflictuelles avec le gouvernement du Québec?
Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, M. Dion est ministre des Affaires intergouvernementales. Je me ferai un plaisir de lui transmettre les observations du sénateur Nolin.
Le développement des ressources humaines
La Fondation des bourses d'études du millénaire-L'état des négociations avec les provinces-Demande de renseignements à jour
L'honorable Ethel Cochrane: Honorables sénateurs, selon certains rapports, le gouvernement n'a pas encore réussi à s'entendre avec Québec sur diverses questions relatives à l'administration de la Fondation des bourses d'études du millénaire. Le leader du gouvernement au Sénat peut-il nous dire combien de provinces ont conclu une entente sur l'administration de cette fondation? Y a-t-il entente avec Terre-Neuve et le Labrador?L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, il ne s'agira pas d'une entente entre le gouvernement du Canada et chacune des provinces, mais plutôt entre la Fondation des bourses d'études du millénaire et chacune des provinces. J'ignore combien de provinces ont conclu une entente avec cette fondation et de quelles provinces il s'agit.
(1510)
Je crois comprendre que des progrès ont été faits entre la fondation et la province du Québec. Comme je l'ai indiqué il y a deux semaines, le ministre Pettigrew a accepté de nommer un médiateur. Je pense que les choses progressent et que les étudiants au Québec ne seront pas pénalisés.
Je serai heureux de rendre compte des progrès des négociations entre la fondation et les diverses provinces.
Le sénateur Cochrane: Honorables sénateurs, l'année universitaire est maintenant terminée pour les établissements postsecondaires et des centaines d'étudiants ont reçu des prêts qui sont venus s'ajouter au fardeau de leur dette. Une nouvelle année universitaire commencera en septembre.
Encore une fois, je pose la question au leader du gouvernement: pourquoi le gouvernement n'utilise pas l'argent du Fonds du millénaire pour aider les étudiants en septembre prochain? Pourquoi les étudiants devraient-ils s'endetter davantage quand le gouvernement a mis de l'argent de côté pour eux?
Le sénateur Graham: Il est vrai que le gouvernement a mis de l'argent de côté dans son programme de gestion financière - un programme très responsable. Toutefois, le Fonds du millénaire - comme son nom l'indique - ne commencera à entrer en activité qu'au prochain millénaire.
Honorables sénateurs, j'ai vérifié mes notes et je crois comprendre que la Fondation canadienne des bourses d'études du millénaire a signé des accords avec les provinces de l'Ontario et de l'Alberta cette semaine. Je ne suis pas au courant d'autres accords.
RÉPONSES DIFFÉRÉES À DES QUESTIONS ORALES
L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai la réponse différée à une question que l'honorable sénateur Roch Bolduc et l'honorable sénateur Pierre Claude Nolin ont posée le 27 avril 1999 au sujet de la perte de l'exemption spéciale prévue dans le règlement sur le commerce international des armes et la possibilité d'un différend commercial; et la réponse à une question que l'honorable sénateur Fernand Roberge et l'honorable sénateur Raynell Andreychuk ont posée le 27 avril 1999 au sujet du conflit en Yougoslavie, du sommet de Washington et de l'imposition d'un embargo pétrolier et militaire.Les relations Canada-États-Unis
La perte de l'exemption spéciale prévue dans le règlement sur le commerce international des armes-La possibilité d'un différend commercial-L'effet sur l'industrie-Les conditions du moratoire
(Réponses aux questions posées par l'honorable Roch Bolduc et l'honorable Pierre Claude Nolin le 27 avril 1999)Le ministre des Affaires étrangères a rencontré la secrétaire d'État des États-Unis, Mme Madeleine Albright, en marge des réunions ministérielles de l'OTAN, le 22 avril 1999. Le ministre Axworthy et Mme Albright ont souligné l'importance de maintenir une coopération étroite en matière de défense. Mme Albright s'est engagée auprès du ministre à veiller à ce que les modifications apportées aux International Traffic in Arms Regulations (ITAR) américaines soient mises en oeuvre de telle sorte que leurs effets sur l'industrie nord-américaine de la défense soit atténués.
Bien que les modifications apportées aux ITAR soient en vigueur, le ministre a reçu l'assurance qu'une période d'examen de 120 jours, pour évaluer et revoir les questions essentielles, serait instituée. Cette période d'examen permettra aux représentants officiels d'examiner en profondeur l'impact éventuel sur l'industrie canadienne, tout en cherchant des moyens d'atténuer ces effets.
Les discussions et réunions de haut niveau se poursuivent entre représentants américains et canadiens durant toute cette période. Les agents tiendront également des consultations approfondies avec l'industrie canadienne.
L'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord
Le conflit en Yougoslavie-Le sommet de Washington-L'imposition d'un embargo sur l'équipement militaire et les approvisionnements pétroliers-La position du premier ministre
(Réponse à la question posée par l'honorable Fernand Roberge et l'honorable A. Raynell Andreychuk le 27 avril 1999)Durant la réunion du sommet, les chefs de l'OTAN ont formulé que «Les gouvernements alliés mettent en place des mesures supplémentaires pour soumettre le régime de Belgrade à de plus lourdes sujétions. Ces mesures comprennent une application intensifiée des sanctions économiques et l'imposition d'un embargo pétrolier sous l'impulsion de l'UE, dont nous nous félicitons. Nous avons demandé à nos ministres de la Défense de déterminer les moyens par lesquels l'OTAN peut contribuer à mettre fin à la livraison de matériel de guerre, notamment en lançant des opérations maritimes, en tenant compte des conséquences possibles sur le Monténégro.»
Le Sénat
La réception en l'honneur de Sa majesté le roi de Jordanie
Son Honneur le Président: Comme les sénateurs le savent, le Canada a l'honneur de recevoir Sa Majesté le roi de Jordanie. Il y aura une réception, cet après-midi, à 15 h 55, dans la salle 237. Tous les parlementaires du Sénat et de la Chambre des communes sont invités.J'ai reçu un certain nombre d'appels de personnes qui voulaient savoir si les conjoints et le personnel étaient invités. C'est regrettable, mais la salle n'est tout simplement pas assez grande. En outre, c'est une affaire parlementaire.
AFFAIRES COURANTES
Les travaux du Sénat
L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, maintenant que nous avons reçu tous les rapports des divers comités, pourrions-nous les inscrire à l'ordre du jour pour qu'ils soient étudiés plus tard aujourd'hui? Nous ne pouvons pas les étudier tout de suite parce que nous avons d'autres initiatives ministérielles, mais nous pourrions les inscrire à l'ordre du jour pour qu'ils soient étudiés plus tard aujourd'hui ou à l'appel du Président.Son Honneur le Président: Plaît-il aux honorables sénateurs de revenir au point de l'ordre du jour concernant les rapports de comités?
Des voix: D'accord.
Son Honneur le Président: Je signale que l'adoption du rapport présenté par le sénateur Milne n'a été ni proposée ni appuyée. Je pense que celle des autres rapports l'a été.
La Loi sur la protection des
pêches côtières
La Loi sur la marine marchande du Canada
Projet de loi modificatif-Rapport du comité
L'ordre du jour appelle:Étude du quatrième rapport du Comité sénatorial permanent des pêches sur le projet de loi C-27, Loi modifiant la Loi sur la protection des pêches côtières et la Loi sur la marine marchande du Canada afin de mettre en oeuvre, d'une part, l'Accord aux fins de l'application des dispositions de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982 relatives à la conservation et à la gestion des stocks de poissons dont les déplacements s'effectuent tant à l'intérieur qu'au-delà de zones économiques exclusives (stocks chevauchants) et des stocks de poissons grands migrateurs et, d'autre part, d'autres ententes ou traités internationaux en matière de pêche, présenté sans amendement, mais avec une observation plus tôt aujourd'hui.
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?
L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, maintenant que nous avons les rapports en main, nous savons mieux ce qu'on attend de nous.
(Sur la motion du sénateur Carstairs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)b) du Règlement, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la présente séance.)
Propositions présentées en vue d'une loi corrective
L'étude du document déposé-Présentation du rapport du comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles
L'ordre du jour appelle:Étude du vingt-quatrième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel a été renvoyé le document intitulé Propositions visant à corriger des anomalies, contradictions ou erreurs relevées dans les Lois du Canada et à y apporter d'autres modifications mineures et non controversables ainsi qu'à abroger certaines lois ayant cessé d'avoir effet, présenté plus tôt aujourd'hui.
L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, Son Honneur le Président a indiqué que l'adoption de ce rapport n'avait pas été proposée, alors proposons-la à nouveau pour plus de certitude.
L'honorable Lorna Milne: Je propose que ce rapport soit adopté.
L'honorable Wilfred P. Moore (Président suppléant): Honorables sénateurs, quand étudierons-nous ce rapport?
(Sur la motion du sénateur Carstairs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)b) du Règlement, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la présente séance.)
Examen de la réglementation
Rapport budgétaire du comité mixte
L'ordre du jour appelle:Étude du cinquième rapport (A) du Comité mixte permanent d'examen de la réglementation demandant que des fonds lui soient approuvés pour 1999-2000, présenté plus tôt aujourd'hui.
Son Honneur le Président suppléant: Honorables sénateurs, quand étudierons-nous ce rapport?
(Sur la motion du sénateur Carstairs, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)
Projet de loi sur la gestion des terres des Premières nations
Rapport du comité
L'ordre du jour appelle:Étude du neuvième rapport du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones sur le projet de loi C-49, Loi portant ratification de l'Accord-cadre relatif à la gestion des terres des Premières nations et visant sa prise d'effet, présenté plus tôt aujourd'hui.
Son Honneur le Président suppléant: Honorables sénateurs, quand étudierons-nous ce rapport?
(Sur la motion du sénateur Carstairs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)b) du Règlement, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la présente séance.)
ORDRE DU JOUR
Projet de loi de 1998 modifiant l'impôt sur le revenu
Deuxième lecture
L'ordre du jour appelle:Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Callbeck, appuyée par l'honorable sénateur Cook, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-72, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu, mettant en oeuvre des mesures découlant de changements apportés à la Convention fiscale de 1980 entre le Canada et les États-Unis et modifiant la Loi sur l'interprétation des conventions en matière d'impôts sur le revenu, la Loi sur la sécurité de la vieillesse, la Loi sur les allocations aux anciens combattants et certaines lois liées à la Loi de l'impôt sur le revenu.
L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, hier, le sénateur Bolduc a fait un excellent discours sur les projets de loi C-71 et C-72. Il a si bien fait les choses que je vais m'en tenir davantage aux détails plutôt qu'à des observations générales relativement au budget.
J'ai aimé les observations du sénateur Bolduc, hier, et je vais donc commencer mon discours d'aujourd'hui en citant une partie de son discours. Il parlait du ministre Martin lorsqu'il a déclaré:
Il danse la valse à deux temps des libéraux: puiser silencieusement de l'argent et le dépenser bruyamment, pour que les Canadiens se retrouvent aux prises avec un gros gouvernement qui ne connaît pas de limite. Il vole notre liberté, peu importe la baisse de productivité et les pertes d'emplois.
Il n'aurait pu dire mieux.
Honorables sénateurs, ce projet de loi découle du budget de 1998, déposé il y a une quinzaine de mois, et beaucoup de mesures qu'il contient s'appliquent à tout l'exercice 1998, pour lequel les contribuables devaient présenter leurs déclarations de revenus le 30 avril. Cela fait environ deux semaines que le délai est expiré et là encore, nous remplissons nos déclarations de revenus en partant du principe que toutes les modifications annoncées il y a plus d'un an seront promulguées un jour.
Le gouvernement tarde tant à présenter ses mesures budgétaires au Parlement que certaines des mesures contenues dans le projet de loi C-72 ont été remplacées par des changements prévus dans le budget de 1999 avant même que le projet de loi n'ait franchi l'étape de la première lecture à l'autre endroit. Les principaux exemples de cela résident dans les modifications supplémentaires apportées au crédit personnel et à la surtaxe, qu'on a annoncées dans le budget.
(1520)
Étant donné que le projet de loi C-72 n'a été présenté à l'autre endroit qu'après la présentation du budget de 1999, je dois me demander pourquoi le gouvernement n'a pas inclus les modifications budgétaires dans ce projet de loi. Même s'il a pris son temps avant de présenter le projet de loi au Sénat, le gouvernement nous dit qu'il est urgent de l'adopter. Cette fois-ci, le fusil que nous avons sur la tempe, c'est la promesse de remboursements dus à la nouvelle façon d'appliquer l'impôt minimum sur les REER et les transferts de pension. Ces changements seraient rétroactifs à 1994. Nous n'osons pas rejeter ce projet de loi, ni même le retarder. Le gouvernement nous dit que dès que le projet de loi sera adopté, il effectuera des remboursements d'impôts avec effet rétroactif jusqu'en 1994.
Du côté positif, disons que ce projet de loi prévoit effectivement certaines réductions d'impôt. Du côté négatif toutefois, le gouvernement n'accorde aucun allégement fiscal important qui pourrait s'appliquer à la majorité des contribuables. Il augmente les exemptions personnelles de base pour les Canadiens à revenus faibles et moyens de façon à compenser en gros l'inflation des cinq dernières années. Cependant, même une fois que le projet de loi sera adopté et que les dispositions prévues pour le budget de 1999 entreront en vigueur, nous continuerons d'imposer des Canadiens qui gagnent seulement 7 131 $. C'est l'un des plus faibles niveaux de revenus imposables en Occident.
Le projet de loi C-72 fait disparaître la surtaxe de 3 p. 100 pour les Canadiens à revenu faible et moyen. Puisque le budget est maintenant équilibré, il n'y a aucune excuse pour maintenir quelque surtaxe que ce soit.
Ces mesures réduiront les impôts d'un grand nombre de Canadiens, mais pas de façon très sensible. Dans l'ensemble, les allégements fiscaux proposés dans ce projet de loi sont sélectifs. Si vous êtes étudiant à temps partiel, vous bénéficiez d'une réduction d'impôt. Si vous payez 5 000 $ par enfant en frais de garderie, vous bénéficiez d'une réduction d'impôt. Si vous prenez soin chez vous de parents âgés et économiquement faibles, vous bénéficiez d'une réduction d'impôt. Si vous êtes installé à votre compte, vous bénéficiez d'une réduction d'impôt au titre de vos cotisations au régime de soins de santé. Si vous travaillez comme bénévole pour les services d'urgence, vous bénéficiez d'une réduction d'impôt. Le gouvernement se sert du régime fiscal à des fins sociales plutôt qu'en tant que politique économique solide.
Le gouvernement semble dire que si vous avez du mal à joindre les deux bouts et que votre chèque de paye soit demeuré constant alors que vos dépenses ont augmenté, vous devez vous contenter d'un allégement de quelques dollars sous forme de l'élimination de la surtaxe et de l'augmentation de la déduction personnelle de base.
Bien que je ne les aime pas, les allégements fiscaux sélectifs valent mieux que pas d'allégement du tout. Mais ils n'apporteront pas un soulagement aussi marqué que des diminutions prononcées et significatives.
Honorables sénateurs, par exemple, le plafond des cotisations aux fonds de capital-risque de travailleurs est passé de 3 500 $ à 5 000 $ alors que ces fonds n'ont pas pu placer tout l'argent dont ils disposaient, et que le monde des finances a critiqué ce fait. Par ailleurs, je me demande pourquoi limiter ce crédit fiscal aux seuls fonds de travailleurs? Je sais que c'est une initiative du gouvernement précédent, et qu'elle était sans doute utile à l'époque, mais je pense que nous devrions revoir la chose.
Si nous avons besoin de plus de capitaux de risque, pourquoi ne pas modifier le régime fiscal de manière à encourager les gens à investir dans l'industrie, dans les nouvelles entreprises et la recherche? Les fonds de capital-risque de travailleurs recueillent des capitaux grâce à un crédit d'impôt et non parce qu'ils représentent un investissement intelligent.
Je vais vous donner un exemple. J'ignore combien de sénateurs ont investi dans le fonds de capital-risque des travailleurs, mais c'est vraiment un bon investissement, mais pas parce que le fonds s'enrichit ni que le niveau d'actif augmente. Il est pratiquement au même niveau depuis cinq ans. C'est un bon investissement parce que, lorsqu'on y verse 1 000 $, si l'on est dans la tranche d'imposition de 45 ou 50 p. 100, ou celle de tout revenu annuel supérieur à 35 000 ou 40 000 $, on a automatiquement droit à un allégement fiscal de 45 à 50 p. 100. Sur 1 000 $, on a droit à 450 ou 500 $. Certaines provinces accorde même un crédit d'impôt additionnel. La Saskatchewan accorde 30 p. 100 et c'est le NPD qui avait prévu ce crédit d'impôt. L'Ontario accorde 30 p. 100, grâce aussi à l'ancien gouvernement NPD. L'Alberta n'ajoute aucun crédit d'impôt au crédit d'impôt fédéral, mais la Colombie-Britannique en donne un de 15 p. 100. Les trois gouvernements NPD ont bonifié le crédit d'impôt de 15 p. 100 du gouvernement fédéral de 20, 15 et 15 p. 100 respectivement. Cela veut dire que dans ma province, on bénéficie d'un crédit d'impôt additionnel de 35 p. 100. Sur 1 000 $, on a droit à des crédits d'impôt fédéral et provincial de 350 $ ainsi qu'à un allégement fiscal de 500 $. Ce 1 000 $ ne coûte que 150 $. Au bout de deux ans, on peut le vendre et toucher un rendement de 17,5 p. 100. Cependant, le fonds ne sert à personne. Ses buts ne sont pas ceux du capital de risque. L'idée est simplement d'accumuler des sommes dans un fonds de capital de risque financé par les travailleurs, et non de faire de l'argent.
Il y a plusieurs semaines, le ministre de l'Industrie a déclaré que nos impôts étaient trop élevés. Le premier ministre l'a rapidement rappelé à l'ordre. Le ministre avait osé dire que qu'il faudrait ramener nos taux d'imposition à un niveau comparable à ceux des États-Unis.
Honorables sénateurs, la semaine dernière, le leader du gouvernement affirmait avec fierté que, dans ses deux derniers budgets, le gouvernement avait annoncé des réductions d'impôt totalisant 16 milliards de dollars sur trois ans, soit à peu près autant que le produit de ce que j'appelle la nouvelle surtaxe. Il s'est vanté d'avoir supprimé dans le budget de 1999 la surtaxe de 3 p. 100 pour les contribuables à revenu faible et moyen, mais il a continué de surtaxer la classe laborieuse et les petites entreprises en exigeant d'elles des cotisations excessives à l'assurance-emploi. Les cotisations sont d'au moins 5 milliards de dollars par an plus élevées que nécessaire. Par conséquent, cette nouvelle surtaxe imposée aux Canadiens par le biais des cotisations à l'assurance-emploi permet au gouvernement de récupérer les 16 milliards de réductions d'impôt qu'il prétend avoir accordées.
Le gouvernement absorbe les réductions d'impôt prévues dans le projet de loi et le dernier budget en exigeant des cotisations trop élevées à l'assurance-emploi. Cela est inadmissible, honorables sénateurs, car le gouvernement impose inutilement un fardeau aux travailleurs et aux petites entreprises.
Son Honneur le Président suppléant: L'honorable sénateur Callbeck propose, avec l'appui de l'honorable sénateur Cook, que le projet de loi soit lu une deuxième fois. Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)
Renvoi au comité
Son Honneur le Président suppléant: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?(Sur la motion du sénateur Carstairs, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce.)
Projet de loi sur la gestion des terres des Premières nations
Adoption du rapport du comité
Le Sénat passe à l'étude du neuvième rapport du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, présenté plus tôt aujourd'hui.L'honorable Charlie Watt propose: Que le rapport soit adopté.
- Honorables sénateurs, le comité croit que le projet de loi C-49 est une mesure législative importante qui permet aux Premières nations d'atteindre leurs objectifs en ce qui concerne leur participation à l'initiative de gestion des terres énoncée dans le projet de loi. Toutefois, à la suite des longues audiences qu'il a tenues, le comité reconnaît que le projet de loi n'est pas...
Honorables sénateurs, je vous demande d'être patients, car il m'arrive à l'occasion de ne pas voir clair.
(1530)
L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, le sénateur Watt a les yeux brûlés par le soleil et a du mal à lire. Puis-je lire son discours à sa place?
Son Honneur le Président suppléant: Est-ce d'accord, honorables sénateurs?
Des voix: D'accord.
Le sénateur Carstairs: La réserve la plus souvent formulée à l'égard du projet de loi C-49 devant le comité a trait au pouvoir d'expropriation confié aux Premières nations aux termes de l'article 28. Bien que le comité ait recueilli des points de vue contradictoires à ce sujet, il reste que les témoins ont fait valoir des points importants. La plupart porte sur deux questions. Premièrement, les «fins d'intérêt collectif» justifiant l'expropriation sont trop vagues. Deuxièmement, rien dans le projet de loi ne garantit que les dispositions de la Loi fédérale sur l'expropriation s'appliqueront à l'établissement de l'indemnisation équitable à verser après l'expropriation.
Plusieurs témoins ont exhorté le comité à amender l'article 28 du projet de loi C-49. Ils ont demandé que l'étendue du pouvoir d'expropriation des Premières nations soit mieux définie, afin d'avoir l'assurance que les Premières nations n'exerceront pas leur pouvoir d'expropriation à des fins trop vagues. Ils ont aussi demandé des précisions au sujet des règles concernant l'indemnisation à verser.
Lorsqu'elle a comparu, hier, devant le comité, la ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien a reconnu qu'on s'était demandé si le projet de loi était suffisamment clair à cet égard. Elle a reconnu qu'il importait de bien préciser nos intentions et elle a invité le comité à se pencher sur ces aspects du projet de loi. Les présents amendements visent à répondre à cette invitation et à clarifier le projet de loi.
Des voix: Bravo!
Son Honneur le Président: Plaît-il aux sénateurs d'adopter la motion?
Des voix: D'accord.
(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)
Troisième lecture
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi tel que modifié une troisième fois?L'honorable Thelma J. Chalifoux: Avec la permission du Sénat, dès maintenant.
Son Honneur le Président: Les honorables sénateurs y consentent-ils?
Des voix: D'accord.
Le sénateur Chalifoux: Honorables sénateurs, c'est avec grand plaisir que je propose la troisième lecture et que je prends à nouveau la parole aujourd'hui au sujet du projet de loi C-49, un projet de loi qui consacrera le début d'une nouvelle ère d'autonomie gouvernementale pour les Premières nations. Ce projet de loi a fait l'objet d'un débat important et de vastes consultations. Au cours de ses délibérations, le Comité permanent des peuples autochtones a approuvé à l'unanimité deux amendements qui clarifient l'esprit des dispositions relatives à l'expropriation.
La ministre approuve aussi ces dispositions. En outre, le Vancouver Sun rapporte qu'une porte-parole des titulaires de domaine à bail des Musqueam, Kerry-Lynne Findlay, s'est dite très satisfaite des amendements, qu'elle considère comme un pas en avant absolument nécessaire.
Le projet de loi C-49 ratifie l'accord-cadre qui confère à 14 Premières nations le pouvoir de gérer leurs terres au niveau communautaire et d'adopter des lois concernant l'exploitation, la conservation, la protection, la gestion, l'utilisation et la possession de celles-ci.
L'accord-cadre et ce projet de loi offrent à ces 14 collectivités le choix de gérer leurs terres et leurs ressources dans les réserves. Ainsi, elles peuvent entreprendre des projets sans devoir demander l'approbation de la ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien. Elles auront toute la latitude pour agir rapidement lorsque des perspectives économiques s'offriront à elles ou que des partenaires éventuels s'adresseront à elles. Les Premières nations peuvent s'atteler à la tâche de créer des emplois et de susciter la croissance économique dans leurs collectivités. Des décisions peuvent être prises au niveau local.
Honorables sénateurs, cet accord-cadre soutient les efforts du Canada pour accroître l'autonomie des Premières nations. Nous travaillons en partenariat avec les autochtones pour veiller à ce qu'ils possèdent les compétences et le savoir-faire nécessaires pour trouver leurs propres solutions. Ce projet de loi constitue un élément important de ces efforts et des objectifs plus généraux que le gouvernement a énoncés il y a un peu plus d'un an avec le lancement de Rassembler nos forces: Le plan d'action du Canada pour les questions autochtones.
Selon Rassembler nos forces, les priorités du Canada sont de renouveler les partenariats établis avec les autochtones, de renforcer l'exercice des pouvoirs par les autochtones, d'établir une nouvelle relation financière, de renforcer les collectivités et les économies, et d'appuyer les gens. Cet accord-cadre et ce projet de loi sont des étapes qui mènent à la réalisation de chacun de ces objectifs.
La ministre a dit que nous entrons dans une nouvelle ère. Au lieu des attitudes paternalistes du passé, le projet de loi C-49 crée un partenariat qui donnera aux 14 Premières nations en cause l'occasion de gouverner leurs terres en collaboration avec le Canada. Ce projet de loi fera la promotion de relations d'égal à égal entre les partenaires et les renforcera.
Le projet de loi C-49 établit également de nouveaux partenariats entre les 14 Premières nations elles-mêmes. Les Premières nations ont convenues qu'après la ratification de l'accord-cadre elles travailleront dans un esprit de collaboration. Elles coordonneront leurs activités par le truchement d'un conseil consultatif pour les aider à élaborer le code foncier, à négocier des ententes individuelles, à rédiger des lois et à surveiller le processus. C'est un outil qui les aidera à nouer des partenariats entre elles et à tabler sur leurs capacités. C'est la voie vers l'autodéveloppement et l'autonomie gouvernementale.
L'accord-cadre et le projet de loi prévoient une forte obligation de rendre compte pour ces Premières nations, tant financièrement que localement.
En vertu du projet de loi C-49, les décisions des Premières nations doivent être votées par l'ensemble de la collectivité. Tous les membres des Premières nations âgés de 18 ans ou plus, qu'ils vivent ou non dans la réserve, pourront voter dans le cadre d'un processus d'approbation collectif.
Pour la première fois, le chef et le conseil élus devront rendre des comptes à leurs membres. Auparavant, les représentants élus n'avaient de comptes à rendre qu'aux Affaires indiennes en ce qui concerne les interventions et la gestion dans les réserves des Premières nations. Dans ce cas-ci, une majorité des électeurs admissibles devront approuver les décisions des représentants élus pour qu'elles soient valides. De la sorte, les Premières nations savent que leurs membres sont pleinement au courant de tous les aspects du processus et de la gestion subséquente des terres et de l'argent. En d'autres mots, c'est un processus de reddition de comptes répondant à des normes élevées.
Avec le projet de loi, toutes les parties sont gagnantes. Les Premières nations gagnent parce qu'elles peuvent inclure leurs terres et leurs ressources dans les décisions qui façonneront leur avenir. Les Premières nations et les communautés avoisinantes gagnent également parce le développement économique plus intense sur les terres des Premières nations se traduira par une plus saine économie dans la région. Les communautés pourront faire directement des affaires avec les Premières nations au lieu d'avoir à passer par le ministère des Affaires indiennes.
Le gouvernement fédéral est gagnant parce qu'il n'a plus à appliquer des articles précis de la Loi sur les Indiens à ces 14 Premières nations, ce qui réduit leur participation aux décisions de gestion et activités quotidiennes.
Les tierces parties sont gagnantes parce qu'elles peuvent traiter directement avec les Premières nations et que des mécanismes de rechange pour le règlement des différends sont établis.
Au cours de nos délibérations, nous avons examiné un certain nombre de questions litigieuses, dont celle de l'expropriation. Je rappelle aux honorables sénateurs que la Loi sur les Indiens comporte déjà des dispositions concernant l'expropriation. À la demande des Premières nations, le ministre peut déjà exercer des pouvoirs d'expropriation pour le bien-être général de la première nation en cause, en vertu du paragraphe 18(2) de la Loi sur les Indiens.
Ce que nous voulons faire avec ce projet de loi, c'est remplacer les pouvoirs conférés en vertu de la Loi sur les Indiens afin de faire en sorte que les Premières nations signataires aient les outils dont elles ont besoin pour gérer leurs terres. Le pouvoir d'expropriation des Premières nations signataires est semblable aux pouvoirs d'expropriation accordés aux gouvernements fédéral et provinciaux ainsi qu'aux organismes publics et privés, comme les municipalités, les commissions scolaires, les universités et les hôpitaux.
Il est important de comprendre que le projet de loi ne permet pas l'expropriation arbitraire. Les Premières nations doivent justifier toute expropriation, au même titre que n'importe quelle autre entité qui exproprie. Les tribunaux et les autres mécanismes de règlement des différends garantiront qu'il n'y a pas d'abus, comme ils le font à l'égard de tout autre pouvoir d'expropriation.
Le projet de loi exige aussi des Premières nations qu'elles versent une indemnité équitable, conformément aux règles établies dans la Loi fédérale sur l'expropriation. La loi prévoit que l'indemnité doit être fondée sur une valeur marchande équitable et elle comporte des règles détaillées sur la détermination de l'indemnité. Les règles et modalités établies par les Premières nations devront respecter le principe de la justice fondamentale.
Les personnes qui veulent contester les raisons invoquées par les Premières nations pour procéder à une expropriation ou le montant de l'indemnité pourront se prévaloir des mécanismes de règlement des différends. Les tribunaux pourront aussi s'occuper de ce genre de contestation.
(1540)
Je crois savoir que des préoccupations précises ont été soulevées quant à la clarté des dispositions sur ces aspects. La question sociale plus globale et plus importante sur laquelle nous nous sommes penchés est celle des droits des femmes autochtones sur les biens matrimoniaux. Il s'agit là d'une question importante que nous devons régler. Il existe un vide juridique sur la question des droits aux biens matrimoniaux en cas de rupture du mariage d'un couple vivant dans une réserve. La Loi sur les Indiens ne nous est d'aucune aide quant à l'utilisation, à l'occupation et à la possession des biens, y compris la maison du couple, ou quant aux droits fonciers sur les réserves. En d'autres mots, la Loi sur les Indiens ne dit absolument rien sur ces questions.
Il est évident qu'il faut régler cette question. Le projet de loi marque un grand pas en avant, car il permettra aux 14 Premières nations signataires de régler la question. Les membres de ces 14 nations voteront dans le cadre d'un processus communautaire sur des règles et des procédures relatives aux biens matrimoniaux. Ce processus doit aboutir dans les 12 mois suivant la date d'entrée en vigueur du code foncier. Un processus d'arbitrage a été prévu dans l'accord-cadre afin que ce délai soit respecté. Les règles et les procédures ne doivent pas créer de distinctions fondées sur le sexe.
Cependant, il y a un enjeu plus grand, qui touche plus que les 14 nations qui ont ratifié l'accord-cadre. La séparation des biens immobiliers matrimoniaux en cas de rupture d'un mariage touche toutes les Premières nations qui restent régies par la Loi sur les Indiens. Nous devons aller au-delà de la Loi sur la gestion des terres des Premières nations qui est proposée et déterminer ce que nous pouvons faire pour remédier au vide de la Loi sur les Indiens concernant la division des biens immobiliers matrimoniaux.
En juin dernier, la ministre a annoncé qu'un enquêteur indépendant serait chargé d'examiner la meilleure façon d'aborder la question. La ministre a déclaré que les biens matrimoniaux constituent une question importante qui va au-delà des Premières nations visées dans le projet de loi. Cette question devra être examinée plus en profondeur, comme les autres questions qui concernent les femmes autochtones en général. Nous devons tenir compte des préoccupations exprimées par les témoins, dont les déclarations ont dépassé le cadre du projet de loi C-49. Nous devons également évaluer le travail du comité mixte spécial sur la garde et le droit de visite des enfants ainsi que notre étude spéciale sur l'autonomie gouvernementale des autochtones. Il reste beaucoup de travail à faire. La ministre s'est dite intéressée à travailler avec le comité afin d'examiner ces importantes questions. En terminant, ce projet de loi revêt une très grande importance. Il constitue le premier pas vers un partenariat plus harmonieux des Premières nations, de tous les niveaux de gouvernement et de l'ensemble des Canadiens. J'espère que l'autre endroit reconnaîtra l'importance du projet de loi, une fois que nous le lui aurons renvoyé, et qu'il le renverra rapidement au Sénat en vue de son adoption et de la sanction royale.
Je vous remercie de votre appui au projet de loi C-49.
L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, l'étude du projet de loi C-49 a été un exercice intéressant. Aussi, en l'absence du sénateur Ghitter, j'aimerais faire quelques observations.
La ministre des Affaires indiennes était avec nous hier et j'ai voulu lui poser des questions, mais le temps a manqué et la ministre a dû partir. Je me suis donc dit qu'en faisant mes observations ici, elle pourrait en prendre connaissance dans le hansard.
Le projet de loi a mis en évidence un sujet qui est pour moi un vieux cheval de bataille et c'est peut-être pour cette raison que je soulève la question. L'autonomie gouvernementale des autochtones doit faire l'objet d'un débat parlementaire. Plusieurs questions intéressantes demeurent sans réponse. J'ai présenté le projet de loi S-14, d'initiative parlementaire, dans le but de stimuler le débat sur ce dossier, si toutefois je parviens jamais à lui faire franchir l'étape de l'étude en comité, où le débat s'éternise. Mon initiative a commencé il y a déjà quatre ans, mais il s'agit d'une tentative sérieuse.
Je ne puis croire que j'ai appuyé une proposition d'amendement libérale. Quoi qu'il en soit, j'ai appuyé le sénateur Austin. C'est la preuve que si nous discutons et débattons des questions, nous pouvons toujours parvenir à des compromis et nous entendre sur la ligne de conduite à suivre. La difficulté consiste à harmoniser les exigences constitutionnelles en matière d'autonomie gouvernementale des autochtones et l'autonomie gouvernementale dans la réalité.
En 1864 et en 1867, les fondateurs de notre pays ont eu la sagesse d'inclure dans leurs discussions non seulement les dirigeants, mais aussi les partis d'opposition des colonies. Ils savaient que c'était la bonne façon de mettre le processus en marche.
Si un sénateur ici présent doute qu'on soit en train d'établir un troisième ordre de bon gouvernement au Canada, c'est qu'il n'a pas lu la mesure dont nous sommes saisis. On est en train d'établir un autre ordre de gouvernement. On le constatera à l'automne.
Si nous éprouvons quelques difficultés, c'est que ce troisième ordre de gouvernement est discuté dans le secret. Des bureaucrates, les ministres et les chefs ont consacré dix années à ce programme. Puis ils s'en remettent au Parlement, et les citoyens se fâchent. Il y aura des tensions raciales si nous ne manifestons pas un esprit d'ouverture. Je ne blâme pas les bureaucrates. Il doit y avoir une orientation générale venant du Parlement aussi bien que du gouvernement. Nous devons approfondir le débat.
Le comité des peuples autochtones est justement en train d'effectuer une étude sur l'autonomie gouvernementale. C'est une excellente occasion pour tenir un débat sur la question. Nous devrions inviter la ministre à soulever la question à l'autre endroit.
Nous avons entendu des témoignages sur ce qui s'était passé à Kamloops. Une organisation avait syndiqué les membres d'un bureau de la bande à Kamloops, alors on a interdit le syndicat en question. On a également interdit la collecte de cotisations syndicales. La ministre a écrit à Kamloops pour dire: «Vous ne pouvez pas faire cela.» Eh bien, le chef a tout simplement répondu: «Oui, nous pouvons le faire.»
On nous dit toujours que les lois fédérales s'appliquent. Mais rien ne le prouve. C'est ce qui est arrivé avec ce projet de loi. On dit toujours que c'est correct, mais la réalité est tout autre. De nombreuses questions fondamentales restent sans réponse. Par exemple, comment les droits protégés par la Charte s'appliquent-ils? Nous l'ignorons.
Dans le projet de loi concernant les Nishgas, dont nous serons saisis sous peu, 14 domaines de compétence auront préséance sur le gouvernement fédéral. Nous ne devrions pas entamer une discussion sur l'autonomie gouvernementale. Nous devons parler de notre pays.
On ne peut pas faire appel à la Commission des droits de la personne, en raison des dispositions de la Loi sur les Indiens. Si c'est ce que prévoit la Loi sur les Indiens, d'accord, mais nous devrions néanmoins en parler avant d'accorder l'autonomie politique.
Les droits matrimoniaux et les droits de propriété sont des questions sérieuses. Les autochtones croient dans les droits collectifs. En tant que conservateur, je crois fermement dans la collectivité. Cependant, je ne suis pas collectiviste. Il existe une grande différence entre accorder des droits à des personnes et en accorder à une collectivité. Cela me pose un grand problème. Je crois fermement aux droits de la personne, aux droits individuels et aux droits de propriété. J'estime que c'est ce qui fait fonctionner l'économie canadienne et crée la richesse. Nous n'avons pas discuté de ces questions et, pourtant, nous continuons de recevoir ces projets de loi. Nous le regretterons un jour.
Les questions dont nous sommes saisis auraient dû être réglées avant que le projet de loi C-49 ne soit présenté à la Chambre des communes. Le débat aurait dû porter sur le projet de loi, et non sur les baux. Or, c'est justement de cela que nous parlons.
Dans l'Accord du lac Meech, on ne devait discuter que de «société distincte».
(1550)
Ce n'est pas un accord volumineux, et pourtant, nous avons dû passer par un long processus. Tous les premiers ministres provinciaux et le premier ministre se sont réunis pour discuter d'un problème constitutionnel.
Comment se fait-il alors que l'on confère l'autonomie gouvernementale à des réserves de par la loi fédérale? Il en sera ainsi avec les projets de loi ayant trait à l'autonomie gouvernementale, et nous n'avons pas la moindre idée de la façon dont cela va fonctionner. Nous établissons un troisième ordre de gouvernement. C'est peut-être ce que nous souhaitons, mais nous devrions pouvoir en discuter, les deux côtés de la Chambre faisant appel à la raison et à la passion.
Le projet de loi C-46 est une mesure habilitante. Voilà qui est bien. J'aime les mesures habilitantes; c'est ce que j'aime du projet de loi S-14. C'est un projet de loi unique. Un projet de loi, on peut l'étudier et le modifier. On ne peut y arriver avec 100 projets de loi; or, c'est ce qui nous attend en fin de compte: un projet de loi pour la région de Sechelt, un autre pour le Yukon, un pour ici, un pour là, cela n'en finit plus. Personne n'y gagne.
J'appuie le projet de loi C-49 tel quel. Je suis heureux que nous ayons pu apporter des amendements pour clarifier certains points. Certes, le projet de loi ne va pas aussi loin que le sénateur Ghitter et moi l'aurions souhaité, mais nous sommes ouverts aux compromis et nous sommes des démocrates. Nous avons compris la majorité, nous avons échangé et finalement, nous avons obtenu ce qu'il était possible d'obtenir.
Honorables sénateurs, nous avons tous beaucoup appris de ce processus. Tout le monde a besoin de ce genre d'expérience, les gens de l'autre endroit plus que quiconque. Ce qui va se passer d'ici peu aura des conséquences très graves pour notre pays, et j'espère que nous ne perdrons pas dans le dossier de l'autonomie gouvernementale parce que nous aurons été incapables de préciser la marche à suivre pour présenter des projets de loi de ce genre en cet endroit ainsi que les modalités de mise en oeuvre du troisième ordre de gouvernement, ce qui est le cas actuellement.
Des voix: Bravo!
L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, je serai très bref. En tant que Britanno-Colombien qui représente une région de cette magnifique province, je crois que s'il y a une région qui est touchée plus que les autres par cette mesure législative, c'est bien la Colombie-Britannique.
Pour commencer, j'aimerais remercier le président du comité, qui a reconnu que ceux d'entre nous qui viennent de cette province sont particulièrement touchés, nous accordant le temps nécessaire pour poser des questions, et qui a veillé à ce que nos témoins, venus de très loin pour faire part de leur point de vue au comité, puissent le faire. Le président s'est assuré que nous ayons tous l'occasion d'aborder les questions que nous estimions nécessaires d'aborder à l'égard de cette importante mesure législative.
Des voix: Bravo!
Le sénateur St. Germain: Quand on étudie un projet de loi comme le projet de loi C-49, il me semble important de reconnaître que les gens de partout au pays nous disent qu'il faut faire quelque chose pour les autochtones. Cependant, le moment venu, personne n'ose faire les premier pas.
Il s'agit d'un pas important. Je crois que quelqu'un a déjà dit que tout grand voyage commence toujours par un petit pas. Cette mesure constitue donc un pas important en vue de permettre à nos autochtones de s'affirmer et de gérer leurs propres terres avec dignité, fierté et honneur. Parmi les peuples autochtones, ces valeurs ont été détruites par bon nombre de nos actions passées, ne serait-ce que par la création d'écoles résidentielles. Dans cette optique, il n'y a pas de mesure législative parfaite qui soit adoptée nulle part.
J'aimerais remercier les députés qui ont travaillé avec nous en comité pour tenter de trouver une solution. Comme le sénateur Tkachuk l'a souligné, tous n'en ont pas été entièrement satisfaits, mais nous y sommes arrivés, et nous recherchions des certitudes.
Le sénateur Chalifoux a parlé de «clarté». Je pense plutôt que c'est de «certitude» que les gens ont besoin, notamment les gens qui seront directement touchés, les tiers qui vivent sur les diverses terres autochtones de notre province.
La question de l'expropriation a été logiquement la plus contestée. Je comprends que certaines personnes éprouvent encore une certaine appréhension. Je peux comprendre cette appréhension. Seul le temps nous dira si nous avons raison, car il y a un risque dans tout ce que nous faisons. Il n'y a pas de récompense sans risque. J'espère que c'est une récompense pour nos populations autochtones.
J'ai travaillé avec le sénateur Austin et le sénateur Perrault, le président, le sénateur Watt, le sénateur Andreychuk et tous les membres du comité. Étant donné les données à partir desquelles nous devions travailler, nous sommes arrivés à une entente aussi bonne que possible.
Je ferai toutefois une mise en garde. La chose la plus importante en ce qui concerne ces ententes, c'est que, s'il n'avait pas été mis fin à cette incertitude, cela aurait nui aux peuples autochtones. Les plus poltrons sont les investisseurs. S'il n'y a pas d'investissement, il faudra dire adieu aux avantages économiques que cette mesure législative est censée procurer et nous irons d'une situation gagnante à une situation perdante. Je demande à chacun de faire preuve de prudence et de jugement.
Je finirai sur cette pensée. Le juge en chef Lamer, de la Cour suprême du Canada, a dit:
Regardons les choses en face, nous sommes tous ici pour y rester.
Souvenons-nous de ces propos. Les autochtones, ceux d'entre nous qui sont Métis ou autres et qui travaillent ensemble, sont tous ici pour y rester et nous devons faire en sorte que notre société, notre pays fonctionne.
Des voix: Bravo!
L'honorable Jack Austin: Honorables sénateurs, je serai bref. J'ai hâte que ce projet de loi soit adopté à la troisième lecture, comme tous les autres sénateurs ici. Je voudrais toutefois dire que j'apprécie les commentaires qu'ont faits le sénateur Tkachuk et le sénateur St. Germain, notamment au président du comité, le sénateur Chalifoux, et tous les autres sénateurs des deux côtés.
Nous reconnaissons tous, au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, que la relation entre la collectivité autochtone et le reste de la société canadienne constitue une question d'importance majeure. C'est l'un de ces grands enjeux qui façonnent le Canada.
Dans ce cas particulier, le comité du Sénat, sous la présidence du sénateur Watt, a étudié ces questions avec beaucoup de maturité, à un point qui mérite d'être souligné. Ce que nous avions devant les yeux, avec le projet de loi C-49, montrait clairement que certains éléments de l'article 28 causaient des inquiétudes majeures. Les intéressés, dont des chefs autochtones, la ministre et son ministère, ainsi que les sénateurs de tous les partis au comité ont travaillé ensemble très efficacement pour régler ces questions. Le sénateur Tkachuk dit que c'est mon amendement, et c'est difficile pour lui d'accepter cet amendement libéral. En fait, c'est un amendement présenté conjointement. Je l'ai présenté, mais c'est le sénateur St. Germain qui l'a appuyé. Je tiens d'ailleurs à remercier le sénateur St. Germain d'avoir collaboré avec moi.
La même chose vaut pour tous les sénateurs, notamment, du côté conservateur, les sénateurs Ghitter et Andreychuk, la vice-présidente du comité, le sénateur Johnson, et d'autres, mon collègue, le sénateur Perrault, ainsi que le sénateur Fitzpatrick, de la Colombie-Britannique.
(1600)
Comme l'a dit le sénateur St. Germain, cette question a des conséquences réelles en Colombie-Britannique. J'insiste sur ce qu'on a souligné cet après-midi: une combinaison d'images politiques très négatives s'est malheureusement développée en Colombie-Britannique. Il y a eu le projet de loi C-49, le problème des locataires de Musqueam - qui n'a pas été réglé et sur lequel nous nous pencherons cet été - et le traité des Nisga'as. Il y a beaucoup de gens en Colombie-Britannique qui nourrissent de profondes inquiétudes. Que ces inquiétudes soient fondées ou non, le simple fait qu'ils aient cru que ces choses pouvaient arriver en Colombie-Britannique a fait qu'elles se sont matérialisées. En ce qui me concerne, le problème se matérialisait dans le libellé du texte, et c'est pourquoi j'en suis venu à m'intéresser à ce problème, en Colombie-Britannique.
Les sénateurs Tkachuk et St. Germain ont fait remarquer que le Sénat avait un important rôle à jouer pour améliorer les relations entre les collectivités autochtones et non autochtones. Nous remplissons la fonction qui a été confiée au Sénat lorsque nous procédons à un dernier examen des projets de loi et tentons de répondre aux préoccupations qui ont surgi, comme c'est le cas cette fois-ci, surtout après leur adoption à l'autre endroit. C'est notre rôle. Dans les relations entre les Canadiens d'origine autochtone et non autochtone, nous aurons à l'avenir un très important rôle à jouer.
Je remercie les honorables sénateurs des deux côtés. Le comité des peuples autochtones a montré à quel point le Sénat pouvait être efficace.
L'honorable Shirley Maheu (Président suppléant): Vous plaît-il d'adopter la motion, honorables sénateurs?
(La motion est adoptée et le projet de loi, modifié, est lu une troisième fois et adopté.)
[Français]
La loi sur la protection des
pêches côtières
La Loi sur la marine marchande du Canada
Projet de loi modificatif-Troisième lecture
L'honorable Fernand Robichaud propose: Que le projet de loi C-27, Loi modifiant la Loi sur la protection des pêches côtières et la Loi sur la marine marchande du Canada afin de mettre en oeuvre, d'une part, l'Accord aux fins de l'application des dispositions de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982 relatives à la conservation et à la gestion des stocks de poissons dont les déplacements s'effectuent tant à l'intérieur qu'au-delà de zones économiques exclusives (stocks chevauchants) et des stocks de poissons grands migrateurs et, d'autre part, d'autres ententes ou traités internationaux en matière de pêche, soit lu une troisième fois.(La motion est adoptée et le projet de loi, lu une troisième fois, est adopté.)
[Traduction]
Propositions en vue d'une loi corrective
Examen du document déposé-Étude du rapport du comité des affaires juridiques et constitutionnelles-Ajournement du débat
Le Sénat passe à l'étude du vingt-quatrième rapport du comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel on a renvoyé le document intitulé Propositions visant à corriger des anomalies, contradictions ou erreurs relevées dans les Lois du Canada et à y apporter d'autres modifications mineures et non controversables ainsi qu'à abroger certaines lois ayant cessé d'avoir effet, présenté au Sénat plus tôt aujourd'hui.L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Je propose que le rapport soit adopté.
L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Il ne s'agit pas d'un rapport ordinaire, car il porte sur un projet de loi d'ensemble qui est censé apporter des corrections de forme à des lois déjà adoptées. Si les honorables sénateurs ont l'occasion de lire le rapport, ils constateront qu'il ne se limite pas à cela. Comme il n'y a aucune urgence, je voudrais ajourner le débat.
(Sur la motion du sénateur Lynch-Staunton, le débat est ajourné.)
Le Code criminel
Projet de loi modificatif-Deuxième lecture-Suite du débat
L'ordre du jour appelle:Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Lavoie-Roux, appuyée par l'honorable sénateur Butts, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-29, Loi modifiant le Code criminel (protection des patients et des soignants).-(L'honorable sénateur Carstairs).
L'honorable Mary Alice Butts: Honorables sénateurs, même si je n'étais pas ici lorsque le comité sénatorial a rendu public son rapport sur l'euthanasie et l'aide au suicide en 1995, j'ai utilisé ce document à plusieurs occasions depuis sa publication. Je suis heureuse d'avoir l'occasion de remercier ceux qui ont travaillé avec autant de diligence pour nous offrir un document d'une aussi grande valeur.
Je pense que le projet de loi S-29 est un autre jalon qui fait suite aux résolutions contenues dans le rapport du comité sénatorial. Les auteurs du rapport ont examiné les aspects juridiques, sociaux et moraux des problèmes liés au fait de ne pas administrer un traitement de survie ou d'en interrompre l'administration. Le Sénat doit maintenant donner suite aux recommandations énoncées dans le rapport.
Le projet de loi S-29 propose donc de modifier l'article 45 du Code criminel. Il propose premièrement de protéger les soignants qui agissent conformément aux instructions de leurs patients ou des personnes qu'ils ont désignées et, deuxièmement, d'établir des lignes directrices relatives aux traitements de survie et au soulagement des souffrances et autres symptômes physiques. Ce projet de loi propose donc de confier cette responsabilité aux législateurs de notre pays, comme il se doit, et non pas aux soignants et aux tribunaux.
Le projet de loi S-29 propose des modifications concernant les actes médicaux qui constituent un traitement de survie ainsi que le dosage et les circonstances dans lesquelles il est illégal d'excéder les limites en matière de dosage pour soulager les souffrances et autres symptômes physiques.
Le projet de loi prévoit aussi que le ministre fédéral de la Santé, en collaboration avec ses homologues provinciaux, établira les normes et les paramètres concernant les soins dispensés aux malades en phase terminale.
Je veux prendre quelques instants pour expliquer pourquoi j'estime que le projet de loi S-29 est essentiel si nous voulons nous acquitter de nos fonctions de législateurs.
Premièrement, toutes les études récentes révèlent que les cas d'euthanasie sont en hausse dans notre société, malgré nos lois actuelles. Une étude publiée dans le New England Journal of Medicine a révélé que 36 p. 100 des médecins seraient disposés à prescrire des doses mortelles si la loi les y autorisait, alors que 11 p. 100 sont prêts à enfreindre la loi.
Le sondage concluait que les lois interdisant l'euthanasie empêchaient deux tiers des médecins prêts à tuer leurs patients de le faire et réduisaient le nombre de cas d'euthanasie, même chez les médecins prêts à enfreindre la loi. Il est essentiel que la loi laisse une autre option pour que ceux qui dispensent les soins ne se retrouvent pas confrontés à un dilemme.
Deuxièmement, les lois interdisant l'euthanasie maintiennent l'intégrité morale de la profession médicale. Elles maintiennent une distinction entre soigner et tuer. La distinction entre tuer et laisser mourir est sanctionnée par des traditions morales et médicales vieilles de 2 500 ans. Lorsque cette distinction s'estompe, l'euthanasie devient une solution à certains problèmes de la société.
Troisièmement, dans un discours prononcé récemment devant le Cercle national des journalistes, un médecin, directeur du département d'oncologie à l'Université de Montréal, déclarait que le mouvement en faveur de l'euthanasie était fondé principalement sur la crainte injustifiée que les médecins gardent artificiellement des gens en vie plus longtemps que nécessaire ou soient incapables d'atténuer les souffrances des patients. Ce médecin a rappelé à son audience la douleur de presque tous les patients en phase terminale. Il affirmait qu'un patient sur un million éprouvait une douleur contre laquelle la médecine ne pouvait rien. Il est donc inutile, comme cela se fait ces temps-ci, de réclamer l'euthanasie.
De plus, ce médecin déclarait que l'euthanasie prive les patients et leurs familles de nombreux moments importants. Il préconisait une meilleure éducation des médecins et de la population sur les moyens disponibles pour calmer la douleur.
(1610)
Il a affirmé que les patients confondent souvent la souffrance physique et la souffrance morale et que cette dernière fait partie intégrante des souffrances d'une personne atteinte d'un cancer à qui on a dit qu'il ne reste plus que quelques mois à vivre. Selon lui, les patients devaient pouvoir compter sur l'aide des équipes pastorales et psycho-sociales pour saisir le véritable sens de la vie et de la mort. Mais surtout, on doit leur faire comprendre que leur sagesse acquise est une valeur et non pas un fardeau dans la société. Le conférencier a souligné que les patients en phase terminale veulent vivre le plus longtemps possible. Au cours de ses 33 ans de pratique, il a traité des milliers de patients en phase terminale, et rares ont été ceux qui lui ont demandé de les aider à mourir.
Enfin, honorables sénateurs, je parlerai d'un dilemme qui m'est familier, celui du docteur Nancy Morrison, de Halifax. L'épreuve qu'a vécue le docteur Morrison dissuadera certainement d'autres médecins de mettre fin à la vie de leurs patients.
M. Paul Mills a reçu une drogue qu'on utilise dans certains États américains pour exécuter des criminels. Le jour avant sa mort, on a cessé de lui administrer des antibiotiques et on lui a retiré le tube d'alimentation. Le jour de la mort de M. Mills, on l'a débranché de l'équipement de survie et on lui a administré les derniers rites de sa religion.
Une infirmière de l'unité des soins intensifs qui était présente a déclaré que la mort de M. Mills a été l'un des décès les plus pénibles dont elle ait été témoin. Elle a déclaré n'avoir jamais vu de traitements classiques aussi inefficaces.
Le docteur Morrison n'a pas subi de procès pour meurtre parce que la Couronne a été incapable d'établir la preuve judiciaire qu'une dose mortelle de médicament avait été administrée.
Honorables sénateurs, le docteur Morrison n'aurait pas dû être confrontée à pareil dilemme. Cela aurait pu être évité s'il y avait eu un bon système de soins palliatifs fondés sur des normes de traitement définies par la loi.
Un groupe de médecins en soins palliatifs a publié au sujet de ce cas un énoncé qui indiquait en partie ce qui suit:
Malheureusement, les connaissances sur le traitement efficace de la douleur et sur les soins palliatifs ne sont pas généralement mises en pratique, ni accessibles.
Tous les Canadiens ont le droit à un traitement efficace de la douleur jusqu'à la fin de leur vie. Nous pouvons, en tant que législateurs, leur en donner les moyens. Les spécialistes médicaux affirment que les traitements médicaux actuels permettent d'assurer le confort des patients en phase terminale. Il ne manque qu'une loi pour protéger les personnes qui souffrent et celles qui leur dispensent des soins.
Il existe d'autres façons d'alléger les souffrances des patients que de simplement les tuer. Si nous ne protégeons pas la vie dans ses derniers moments, nous détruirons un principe clé de la société canadienne, car le respect de la vie humaine et la nécessité de protéger les membres les plus vulnérables de notre société sont des principes fondamentaux qui sous-tendent tous les autres droits de nos concitoyens.
(Sur la motion du sénateur Carstairs, le débat est ajourné.)
Projet de loi sur la sanction royale
Deuxième lecture-Report du débat
L'ordre du jour appelle:Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Lynch-Staunton, appuyée par l'honorable sénateur Bolduc, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-26, Loi relative aux modalités d'octroi par le Gouverneur général, au nom de Sa Majesté, de la sanction royale aux projets de loi adoptés par les Chambres du Parlement.-(L'honorable sénateur Poulin).
L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, je voudrais une précision. Ce projet de loi sera-t-il renvoyé à un comité ou le gouvernement l'oubliera-t-il sur une tablette, comme il le fait depuis environ un mois?
L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Le débat est reporté au nom du sénateur Poulin. À la dernière réunion du caucus libéral, il a été établi que cette mesure législative devait faire l'objet d'un débat plus sérieux au sein même du caucus.
Le sénateur Lynch-Staunton: Comme, d'après ce que nous avons pu constater au cours du dernier mois, la plupart des discussions de votre caucus se déroulent au Sénat, ne pourriez-vous pas continuer d'appliquer cette pratique?
(Le débat est reporté.)
Projet de loi sur les perquisitions et les saisies internationales
Deuxième lecture-Suite du débat
L'ordre du jour appelle:Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Beaudoin, appuyée par l'honorable sénateur Bolduc, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-24, Loi instituant l'autorisation judiciaire préalable aux demandes de perquisitions ou de saisies à l'extérieur du Canada devant être présentées à une organisation ou autorité étrangère ou internationale.-(L'honorable sénateur Grafstein).
L'honorable Jerahmiel S. Grafstein: Honorables sénateurs, le 9 mars 1999, le sénateur Beaudoin a présenté un projet de loi d'initiative parlementaire, le projet de loi S-24. Le projet de loi, nous dit-on, vise à améliorer la protection du droit à la vie privée au Canada, ce qui est un objectif louable. Tous les sénateurs s'intéressent au droit à la vie privée. Dans l'affaire O'Donaghue, la Cour suprême du Canada a affirmé le droit à la vie privée comme prolongement judiciaire des droits prévus dans la Charte.
Toutefois, le projet de loi S-24 protégerait seulement le droit à la vie privée des personnes qui gardent des documents commerciaux et bancaires à l'étranger. C'est ainsi qu'une autre procédure viendrait s'ajouter au processus déjà imposant que doivent suivre les services de police pour obtenir de l'aide à l'étranger. Le projet de loi S-24 retarderait encore plus les enquêtes. Il protégerait toute personne ayant des documents à l'étranger qui fait l'objet d'une enquête policière au Canada, que cette personne soit au Canada ou à l'étranger. Il viendrait amplifier la protection déjà accordée par la jurisprudence et par la Charte. Par exemple, un narcotrafiquant étranger qui n'est jamais venu au Canada, mais qui fait l'objet d'une enquête pour des délits commis au Canada, et qui invoque la règle du secret des banques et des entreprises pour dissimuler des activités aux agents de la paix, bénéficierait de la procédure et du retard additionnels.
Grâce aux innovations technologiques, il serait tous les ans plus facile pour les criminels de mener à bien des projets criminels en tirant profit des lois étrangères. L'aide internationale est un moyen essentiel de combattre ce problème. Une partie intégrante de cette aide est la capacité pour les autorités canadiennes de trouver et d'obtenir rapidement de la documentation et des preuves qui se trouvent à l'étranger.
À mon sens, du moins, une telle mesure est inutile et inopportune dans le contexte moderne de la criminalité transnationale. Le projet de loi S-24 aurait pour conséquence de gêner les efforts que déploient les autorités canadiennes pour combattre efficacement le problème sans cesse croissant de la criminalité transnationale.
Si ce que veut le sénateur Beaudoin, c'est réformer la loi pour protéger la vie privée des Canadiens qui ne gardent pas de documents bancaires ni commerciaux à l'étranger, comme ç'aurait pu être le cas dans l'affaire Airbus, je suis d'accord. Mais cela ne semble pas être conforme à l'objet ni à la portée de ce projet de loi. Pour toutes ces raisons, je ne peux pas appuyer le projet de loi S-24.
Soit dit en passant, honorables sénateurs, le sénateur Beaudoin semble approuver le principe de la protection extraterritoriale dans cette mesure, mais pas dans d'autres. Comme toujours, le manque de cohérence demeure l'ogre des petits esprits.
L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, je voudrais poser une question au sénateur Grafstein. Le projet de loi S-24 traite d'un droit inscrit dans la Charte. Que pense le sénateur Grafstein de la portée des droits inscrits dans la Charte? Est-il d'avis que les Canadiens peuvent exiger que ces droits soient respectés uniquement lorsqu'ils sont au Canada, ou peu importe où ils se trouvent dans le monde? Ces droits s'appliquent-ils à la propriété au Canada seulement, ou à la propriété partout sur la planète?
Le sénateur Grafstein: Honorables sénateurs, la façon de poser la question fait problème. J'aimerais mieux répondre en parlant des limites de ce projet de loi. Comme je le comprends, ce projet de loi empêche les autorités canadiennes de faire enquête sur les états financiers ou bancaires des Canadiens qui cherchent à faire affaire à l'étranger. À mon avis, cela porte la protection des renseignements personnels et de la vie privée à des limites qui dépassent largement celles de la Charte et de la jurisprudence. Cette mesure va à l'encontre du but recherché car elle aide les criminels disposés à invoquer la protection de la Charte à se mettre à l'abri, à l'extérieur des frontières canadiennes, de toute enquête menée au Canada.
(1620)
C'est ma façon de comprendre le projet de loi. Si ce n'est pas là son objectif, je reste ouvert aux explications. Cependant, selon ce que comprends, cette mesure législative donne des outils additionnels aux criminels internationaux qui peuvent invoquer la théorie du droit à la vie privée pour se protéger contre une enquête criminelle en bonne et due forme. Je ne peux croire que le Sénat accepterait une telle chose.
L'honorable Gérald-A. Beaudoin: Mon honorable collègue a dit que le droit à la vie privée est en cause et je suis tout à fait d'accord. Cependant, supposons qu'une demande de perquisition et de saisie soit présentée ici au pays. Ne croyez-vous pas que, en vertu du droit actuel, un citoyen canadien a le droit d'exiger que les policiers obtiennent un mandat? Dans ce cas, qu'est-ce qui change lorsque le même citoyen, au Canada, fait l'objet d'une perquisition et saisie, mais que l'exécution aura lieu dans un autre pays? N'est-ce pas le même Canadien, la même personne, en vertu de la Charte des droits qui s'applique partout au pays? Cette personne ne jouit-elle pas des mêmes droits que si l'exécution avait lieu à l'intérieur du Canada?
Le sénateur Grafstein: Honorables sénateurs, le libellé du projet de loi va bien plus loin que ne le veut le sénateur. Je pense qu'il va bien plus loin. Il n'est pas nécessaire d'être citoyen canadien. On peut être n'importe où dans le monde et demander la protection contre un bref émis au Canada.
Le sénateur, quand il se penchera plus à fond là-dessus, pourra peut-être éclairer ma lanterne, mais c'est ainsi que j'interprète le projet de loi dans son libellé actuel.
L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, je pense que le sénateur Grafstein interprète mal le projet de loi. Il ne s'agit pas de protéger des éléments criminels. Le projet de loi S-24 vise à protéger contre des perquisitions ou des saisies à l'étranger des Canadiens innocents qui jouissent de la protection de la Charte dans leur propre pays. Quand un corps de police veut faire une recherche dans leurs éléments d'actif, il doit s'adresser à la cour pour justifier sa démarche et demander un mandat. La cour décide alors si le mandat est justifié et, dans l'affirmative, elle l'accordera.
Un citoyen canadien peut avoir des éléments d'actifs à l'étranger. Le simple fait de détenir un compte bancaire au Vermont ou en France ne fait pas de nous des criminels. Le gouvernement du Canada pourrait vouloir vérifier le compte pour diverses raisons. Le projet de loi S-24 prévoit qu'un citoyen canadien qui a des éléments d'actif à l'étranger doit jouir de la même protection que si ces éléments d'actif étaient au Canada et qu'il doit jouir de la protection de la cour, en ce sens que celle-ci doit évaluer les preuves qui lui sont soumises pour justifier les recherches en cause.
Honorables sénateurs, le projet de loi a été inspiré par l'affaire Airbus. Le gouvernement du Canada a écrit aux Suisses, il y a quatre ans. Devons-nous y revenir encore une fois? Je ne le crois pas. Qu'il suffise de dire que la lettre véhiculait de terribles accusations qui se sont révélées fausses. Le gouvernement du Canada a terni des réputations. Si le gouvernement avait été tenu de s'adresser à un tribunal canadien pour obtenir un mandat de perquisition à l'étranger, il aurait sans doute dû recourir à une démarche plus discrète, moins flamboyante et certes moins politisée.
J'exhorte le sénateur Grafstein à lire les jugements minoritaires de la Cour suprême. Il y avait, je crois, deux opinions dissidentes dans l'affaire Schreiber.
Je répète, le projet de loi n'a pas pour objectif de protéger des éléments criminels ou de leur offrir une échappatoire. Il vise à mettre les Canadiens innocents à l'abri des perquisitions injustifiées, où que soient leurs biens.
Le sénateur Grafstein: On ne devrait pas agir de la sorte, mais je vais de nouveau citer mes propres propos.
Si ce que veut le sénateur Beaudoin, c'est réformer la loi pour protéger la vie privée des Canadiens qui ne gardent pas de documents bancaires ni commerciaux à l'étranger, comme ç'aurait pu être le cas dans l'affaire des Airbus, je suis d'accord. Mais cela ne semble pas être conforme à l'objet ni à la portée de ce projet de loi.
En réponse à la question précédente du sénateur Lynch-Staunton, permettez-moi à nouveau de citer mon discours, car je pense qu'il va répondre de façon succincte à ce que l'honorable sénateur demande. En ce qui concerne la portée du projet de loi, j'ai dit:
Si, en fait, par sa question, l'honorable sénateur voulait dire que ce n'est pas l'intention du projet de loi, eh bien soit. Cependant, ce n'est pas la façon dont je perçois le projet de loi tel que libellé.Par exemple, un narcotrafiquant étranger qui n'est jamais venu au Canada, mais qui fait l'objet d'une enquête pour des délits commis au Canada, et qui invoque la règle du secret des banques et des entreprises pour dissimuler des activités aux agents de la paix, bénéficierait de la procédure et du retard additionnels.
Le sénateur Lynch-Staunton: Le sénateur Grafstein va-t-il accepter qu'on renvoie le projet de loi au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles pour que nous puissions entendre les témoins voulus afin de mieux comprendre le projet de loi? Je crois comprendre l'objet du projet de loi. Le sénateur Grafstein en a une perception différente et peut-être faut-il resserrer le libellé.
Je le répète, selon moi, le projet de loi n'est pas conçu pour protéger le narcotrafiquant qui n'a jamais vécu au Canada et a des biens à l'étranger. Le projet de loi est plutôt conçu pour s'assurer que lorsqu'un citoyen canadien fait l'objet d'une perquisition ou d'une saisie, il puisse profiter de la protection de la Charte, peu importe où ses biens sont situés.
Le sénateur Grafstein: Il est évident que c'est au Sénat de décider.
Honorables sénateurs, je suis persuadé que le libellé actuel ne corrige pas la situation à laquelle je croyais que le sénateur Beaudoin s'opposait, à savoir qu'un Canadien qui n'a pas de documents commerciaux à l'étranger, de façon intentionnelle ou pas, puisse voir sa vie privée remise en cause sans avoir le droit de se protéger. C'était, selon moi, au coeur de l'affaire Airbus et je trouvais cela injuste. Ce n'est pas ce que ce projet de loi fait.
L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je propose l'ajournement du débat.
Le sénateur Lynch-Staunton: Honorables sénateurs, on semble piétiner dans le cas de ces projets de loi d'initiative parlementaire. Ne pouvons-nous pas renvoyer ces projets de loi aux comités pertinents? Il ne s'agit pas exactement de projets de loi partisans. Ce sont des mesures qui ne viennent pas du gouvernement et qui tendent à améliorer la loi actuelle. Le simple fait qu'ils viennent d'un côté plutôt que de l'autre ne veut pas dire qu'ils doivent être mis à l'écart constamment par l'entremise de motions d'ajournement.
J'ai posé une question à l'auteur de la motion. J'espère que j'aurai une réponse.
(Sur la motion du sénateur Carstairs, le débat est ajourné, avec dissidence.)
La Loi électorale du Canada
Projet de loi modificatif-Deuxième lecture-Report du débat
L'ordre du jour appelle:Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Lynch-Staunton, appuyée par l'honorable sénateur Grimard, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-27, Loi modifiant la Loi électorale du Canada (heures du scrutin aux élections partielles).-(L'honorable sénateur Carstairs).
L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Là encore, honorables sénateurs, ce projet de loi est simple. Je ne sais pas pourquoi il est resté près d'un mois au Feuilleton sans que nous l'examinions. Tout ce qu'il dit, c'est que, durant les élections partielles, les heures de scrutin seront de 8 heures à 20 heures. Il n'y a rien là qui puisse prêter à controverse. Pourquoi cette nécessité de reporter le débat? Pourquoi ne pouvons-nous pas renvoyer ce projet de loi à un comité afin qu'il soit dûment examiné? Pourquoi ce délai de la part du gouvernement?
Le projet de loi S-27 ne prête pas à controverse et apporte une modification valable à la Loi électorale du Canada. Je ne dis pas cela avec parti pris. À mon avis, il améliore une loi existante.
Pourquoi le gouvernement reporte-t-il le débat sur cette question? J'aimerais bien qu'on m'explique, autrement nous demanderons la tenue d'un vote sur cette question.
L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Je croyais avoir compris, honorable sénateurs, que l'honorable sénateur Graham serait ici cet après-midi pour parler de ce projet de loi. C'est la seule explication que je puisse donner au sénateur Lynch-Staunton.
Le sénateur Lynch-Staunton: J'accepte cette explication et je remercie le leader adjoint.
(Le débat est reporté.)
(1630)
L'état du système financier
Étude du rapport du comité des banques et du commerce-Fin du débat
L'ordre du jour appelle:Reprise du débat sur l'étude du dix-septième rapport (intérimaire) du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce intitulé Plan directeur de changement (Volumes I, II et III), déposé au Sénat le 2 décembre 1998.-(L'honorable sénateur Stewart).
L'honorable John B. Stewart: Honorables sénateurs, le 2 décembre 1998, le sénateur Kirby a présenté le dix-septième rapport du comité sénatorial permanent des banques et du commerce. Ce rapport est intitulé Plan directeur de changement. Sur la motion du sénateur Kirby, l'étude du rapport avait été inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance. Elle y est demeurée jusqu'au jeudi 29 avril.
Quant le sénateur Kirby a présenté le rapport, j'ai fait savoir que certains membres du comité, moi le premier, s'étaient opposés à la recommandation du comité concernant la location à long terme d'automobiles par les banques. Comme je l'ai dit à l'époque, je me suis opposé à la recommandation voulant que les banques soient autorisées à effectuer la location à long terme d'automobiles et de petits camions. Je n'étais pas convaincu que le comité des banques ait saisi toutes les implications de cette recommandation, et depuis décembre dernier, je n'ai pas changé d'avis.
Il va de soi, honorables sénateurs, que je vois cette recommandation de mon point de vue personnel, du point de vue d'un sénateur originaire d'une région rurale de la Nouvelle-Écosse. Mes réserves valent peut-être également pour des villes comme Halifax, Montréal et Toronto. Je m'explique.
Au Canada, nous disposons d'un système bancaire très sûr, mais les mesures que nous avons prises au fil des ans pour réaliser un système aussi sûr ont eu, entre autres, comme conséquence que nous avons très peu de banques. Ces banques aspirent maintenant à devenir des joueurs de calibre mondial. Or, le rapport du comité des banques pose la question suivante: voulons-nous que nos banques, qui sont peu nombreuses, se lancent dans d'autres formes d'activités au Canada? L'engagement à long terme présente, bien sûr, un avantage. Prenons le secteur de l'automobile, par exemple.
Je me pose la question suivante: est-ce possible que le commerce de l'automobile tienne autant à coeur aux banques qu'aux concessionnaires de voitures établis dans de petites villes et dans les régions rurales du Canada? Contrairement aux banques, ces concessionnaires sont des spécialistes. Ils ne s'occupent que d'un seul secteur d'activité. C'est un secteur complexe, mais c'est quand même un seul secteur. Comme un concessionnaire fait des affaires au sein d'une collectivité particulière, il a intérêt à ce qu'elle soit prospère. Si les consommateurs qu'il sert ne sont pas prospères, le concessionnaire ne le sera pas non plus.
Passons maintenant aux grandes banques et aux grands constructeurs d'automobiles d'Amérique du Nord comme GM, Ford et Chrysler. Je me demande s'il est probable que les grandes banques, avec leurs vastes opérations financières et leurs participations aux affaires financières à l'échelle internationale, s'intéresseraient autant au commerce de l'automobile que les grands constructeurs?
Je ne penche ni en faveur des banques ni en faveur des constructeurs d'automobiles. Toutefois, les constructeurs d'automobiles sont tenus de réussir dans le commerce de l'automobile, sinon leurs bénéfices vont chuter. Ils ont besoin d'un réseau de détaillants sérieux. Quand les temps sont durs, toutes les grandes entreprises ont évidemment intérêt à aider leurs détaillants à survivre, même si cela engendre un système vertical de subventions consistant par exemple à réduire les coûts que paient les détaillants pour les automobiles. Les banques n'ont pas un intérêt aussi direct, et n'ont pas non plus les moyens d'instaurer un système de subventions interne. Elles font des affaires bancaires, pas le commerce d'automobiles.
J'en arrive à mon deuxième argument. Il a trait aux ventes liées. Voici comment parlent les banquiers: «Oui, nous sommes prêts à vous prêter de l'argent pour acheter votre nouvelle maison. Le taux d'intérêt sera d'environ 9 p. 100. Bien entendu, si vous étiez un bon client, nous pourrions vous offrir mieux. Avez-vous l'intention de contracter un crédit-bail automobile prochainement?»
Le comité des banques s'oppose judicieusement aux ventes liées. Il croit fermement que la concurrence est essentielle pour avoir une économie de marché libre. En effet, dans ce même rapport, le comité des banques déclare que si on veut qu'il y ait au Canada une véritable concurrence dans le secteur financier, il faudra avoir plus d'institutions financières de second niveau, telles que les caisses populaires. Le comité fait plusieurs recommandations afin d'atteindre ce niveau de compétition plus élevé. Elles se trouvent aux paragraphes 147 à 163. De plus, le comité prévient qu'il ne faut pas s'attendre à observer la progression de la concurrence prochainement.
Le paragraphe 164 se lit comme suit:
Il ne faut cependant pas s'attendre que les nouvelles politiques conçues pour encourager l'arrivée de nouveaux joueurs sur le marché produisent des résultats instantanés sur le plan de la concurrence.
Puisqu'il en est ainsi, pourquoi donner aux banques une autre occasion, voire une très bonne occasion, de s'engager dans la vente liée?
J'aborde maintenant la question de l'avantage financier que les consommateurs sont censés tirer du crédit-bail automobile offert par les banques. Voyons le paragraphe 188 du rapport du comité, qui se lit comme suit:
La seule justification à des modifications législatives permettant aux institutions de dépôt de se lancer dans le crédit-bail automobile serait qu'un tel changement de politique avantage les consommateurs.
La question fondamentale est évidente: en permettant aux banques d'offrir du crédit-bail automobile, réduira-t-on le coût pour le consommateur?
Afin d'appuyer la thèse qu'elles ont défendue devant le comité, à savoir que les consommateurs tireront avantage du crédit-bail automobile qu'elles offriraient, les banques ont cité un rapport réalisé par Vertex Consultants. Ce rapport compare le coût du crédit-bail automobile au Canada avec le coût du crédit-bail automobile aux États-Unis, où les institutions financières sont engagées dans ce type d'activités. Le rapport conclut que le coût du crédit-bail automobile est plus élevé de 2 p. 100 au Canada.
Je ne doute pas de la véracité de cette affirmation, mais j'en ai tiré une conclusion différente de celle à laquelle les banques en sont arrivées. Je l'ai plutôt interprétée comme un argument en faveur de la restructuration de notre système financier selon le modèle américain, de manière à accroître la concurrence au sein de notre secteur financier en introduisant de nouvelles institutions financières, par exemple les coopératives de crédit, sur une base plus large. J'en ai conclu que nous ne devrions faire aucune recommandation sur la possibilité que les banques se lancent dans la location d'automobiles avant d'avoir réussi à accroître la concurrence dans le secteur financier. De toute façon, le rapport Vertex semble constituer un argument très fort contre les fusions bancaires.
L'Association canadienne des constructeurs de véhicules nous dit maintenant que le rapport Vertex, sur lequel les banques se sont basées, est trompeur. C'est le cas, disent-ils, parce qu'il ne tient compte que du prix de la location et laisse de côté trois autres facteurs essentiels pour permettre une analyse correcte des coûts réels pour le consommateur. Ce rapport ne tient pas compte du prix de vente du véhicule, de la durée de la location ou de la valeur résiduelle du véhicule à la fin du contrat de location. Lorsqu'on inclut ces trois facteurs, on se rend compte, selon les constructeurs de véhicules, que la location coûte en réalité moins cher au Canada qu'aux États-Unis.
L'étude des constructeurs s'est basée sur les données de l'État du Michigan. Selon leurs résultats, il en coûterait 99,30 $ CAN par mois de plus au Michigan qu'au Canada pour louer une petite voiture. Pour une voiture moyenne, la différence est de 137,15 $ CAN par mois. La location mensuelle d'une fourgonnette coûte 150,13 $ CAN de plus au Michigan qu'au Canada. Lorsqu'on combine toutes les catégories de véhicules - voitures, fourgonnettes, camions légers, et cetera - on constate que le coût d'un véhicule de location est 17 p. 100 plus élevé au Michigan qu'au Canada.
(1640)
Je ne peux manifestement pas dire que les renseignements fournis par l'Association canadienne des constructeurs de véhicules sont exacts. Je ne suis pas plus en mesure de me prononcer sur ses renseignements que je ne le suis pour me prononcer sur le rapport Vertex utilisé par les banquiers. Cependant, je dois dire qu'il semble manifestement vrai que le taux d'intérêt, pris isolément, ne constitue pas une mesure exacte du coût réel d'une transaction de location, c'est-à-dire du coût réel payé par le consommateur.
On dira peut-être que, même si le coût réel de location d'un véhicule est moins élevé au Canada qu'aux États-Unis, il n'en demeure pas moins que les concessionnaires canadiens d'automobiles et les fabricants de ces automobiles ont besoin d'une plus grande concurrence, de la concurrence qu'offriraient les banques. Rappelons-nous que la capacité de fabrication des automobiles dans le monde dépasse de loin la demande réelle. La concurrence entre les fabricants d'automobiles et les concessionnaires est beaucoup plus vive que la concurrence entre les banques, du moins en ce qui concerne les petites entreprises.
Honorables sénateurs, je conclus que le comité a commis une erreur dans cette partie de son rapport. Je ne trouve pas que les preuves soient là pour l'étayer. Je dirais toutefois que je suis prêt à me laisser convaincre. Je demande à ceux qui pensent que j'ai tort de me remettre sur le droit chemin.
L'honorable Pierre De Bané: Honorables sénateurs, l'honorable sénateur me permettrait-il de lui poser une question?
Le sénateur Stewart: Bien sûr.
Le sénateur De Bané: Quand à savoir si c'est mieux pour les consommateurs d'avoir davantage d'options, je pense que nous devrions les laisser trancher. C'est à eux de décider s'ils préfèrent s'adresser à une institution financière plutôt qu'à une autre pour leurs besoins financiers.
La question que j'aimerais porter à l'attention de mon collègue est la suivante. Ne trouve-t-il pas bizarre que les banques canadiennes n'aient pas le droit de concurrencer les fabricants automobiles américains alors que ces derniers doivent soutenir la concurrence des banques américaines dans leur propre pays? L'honorable sénateur ne trouve-t-il pas cela très bizarre?
Le sénateur Stewart: Honorables sénateurs, je pense avoir déjà répondu en partie à la question dans mon discours.
Si la concurrence est beaucoup plus vive aux États-Unis, en dépit du fait qu'il y a beaucoup plus d'institutions financières dans ce pays que chez nous, pourquoi le crédit-bail automobile n'était-il pas moins cher au Michigan qu'au Canada? C'est la première chose.
La deuxième est celle que j'ai mentionnée à propos de la spécialisation. La compagnie General Motors, par exemple, est spécialisée dans la vente de véhicules automobiles. Elle doit maintenir son réseau de distribution, sans lequel elle serait en difficulté. Cela est vrai pour tous les fabricants automobiles nord-américains, particulièrement en cette ère de concurrence exacerbée par la surproduction.
Par contre, les banques ont diversifié leurs activités et elles font des affaires dans le monde entier. Elles peuvent s'intéresser au crédit-bail automobile, mais pour elles, ce n'est pas essentiel, alors que c'est le cas pour les gros fabricants automobiles qui doivent maintenir leur chaîne de concessionnaires. En fait, trois ou quatre ans après s'être lancées dans le crédit-bail automobile, elles peuvent trouver plus rentable d'investir leurs efforts et leur argent dans des marchés éloignés, l'Indonésie, par exemple. Elles se retirent alors du secteur du crédit-bail automobile après avoir acculé à la faillite plusieurs concessionnaires automobiles dans les petites villes.
Mon argument, c'est que les constructeurs automobiles et leurs concessionnaires font partie d'un secteur bien particulier, où il y a une forte interdépendance. Ce n'est pas le cas dans le secteur bancaire. Bien sûr, les banques font beaucoup d'argent sans participer aux activités de location d'automobiles.
Dans sa question, le sénateur De Bané n'a pas abordé la question des ventes liées. Le rapport du comité a condamné les ventes liées, disant qu'elles corrompent le marché. Certes, nous offrons une belle tentation aux banques. Encore une fois, quand un consommateur veut acheter une maison, les banques lui disent peut-être: «Nous voulons vous prêter de l'argent, mais nous le ferons à un bien meilleur taux si vous souscrivez aussi un crédit-bail automobile.»
Le sénateur De Bané tient sûrement à protéger l'intégrité du marché.
L'honorable Nicholas W. Taylor: Honorables sénateurs, je voudrais aussi poser une question au sénateur Stewart. Il a parlé des coûts de location d'automobile qui varient. J'ai déjà loué des automobiles aux États-Unis. J'ai remarqué que le coût y est plus élevé, en particulier au Michigan. On m'a dit spontanément que c'était à cause des assurances, et non des frais bancaires.
Votre comité s'est-il penché sur les divers éléments qui expliquent pourquoi les coûts de location d'automobile au Michigan sont plus élevés?
Le sénateur Stewart: Non, sénateur Taylor, pas à ma connaissance. Lorsque les représentants des banques ont exposé leur point de vue au comité, ils se sont appuyés, autant que je sache - je dois dire que je n'ai pas accompagné le comité dans ses déplacements, j'ai dû rester à Ottawa - ils se sont appuyés, dis-je, sur un rapport selon lequel le crédit-bail automobile coûte moins cher au consommateur aux États-Unis. Le rapport de l'association des fabricants que j'ai mentionné n'a pas été déposé au comité. Je ne peux donc donner aucune assurance à son sujet, mais je présume qu'il dit juste. Les témoins ont invoqué ce rapport pour réfuter de l'information déjà produite. Ils ont dû par conséquent prendre passablement de précautions pour s'assurer de l'exactitude de ces renseignements.
Ce qu'ils ont constaté, c'est que le crédit-bail automobile coûtait plus cher au Michigan, qui était l'État témoin, qu'au Canada. Ils ont expliqué pourquoi les chiffres de Vertex étaient différents: on n'avait pas tenu compte de certains éléments comme la valeur résiduelle du véhicule à la fin du contrat.
Le sénateur Taylor: Comme les institutions qui louent des voitures sont elles-mêmes d'énormes institutions financières, un membre du comité a-t-il demandé aux banques si elles s'opposeraient à ce que ces institutions se lancent dans les affaires bancaires, en proposant par exemple des comptes d'épargne à leurs clients?
Le sénateur Stewart: Non, sénateur Taylor. À ma connaissance, nous avons oublié de poser cette importante question.
Son Honneur le Président: Si aucun autre sénateur ne souhaite prendre la parole, le débat sur le rapport est considéré comme terminé.
(1650)
La région de l'Asie-Pacifique
Rapport du comité des affaires étrangères-Interpellation-suite du débat
L'ordre du jour appelle:Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Stewart, attirant l'attention du Sénat sur le huitième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères intitulé La crise en Asie: répercussions sur la région, le Canada et le monde.-(L'honorable sénateur Andreychuk).
L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, vous comprendrez sûrement pourquoi j'ai choisi d'attendre si longtemps avant d'aborder cette question. En octobre 1996, le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères a amorcé son étude de la région de l'Asie-Pacifique et de son importance pour le Canada, en mettant l'accent sur l'APEC et la conférence tenue à Vancouver en 1997, l'année de l'Asie-Pacifique au Canada. Un rapport provisoire, déposé en juin 1997, traitait des questions commerciales et économiques. Malheureusement, d'autres questions ne seraient analysées que plus tard, dans le rapport final.
Je regrettais surtout le report de l'étude du lien à établir entre les échanges commerciaux et le respect des droits de la personne. Beaucoup d'événements sont survenus avant le dépôt du rapport final en décembre 1998. Le titre de notre rapport, La crise en Asie: répercussions sur la région, le Canada et le monde, est fort éloquent.
Je voudrais, avant tout, remercier en particulier Peter Berg, Anthony Chapman et Collen Hoey, qui ont grandement collaboré à la recherche et à la rédaction de ce rapport. Je tiens aussi à remercier Serge Pelletier, le greffier du comité, qui a si généreusement offert son temps et ses conseils. Le président, le sénateur Stewart, mérite d'être félicité pour de nombreuses raisons, mais surtout de sa patience et de son impartialité.
Honorables sénateurs, j'appuie en général le rapport. L'analyse des considérations commerciales et économiques et des investissements est claire et nécessite peu d'explications. Il y a seulement quelques points que je veux faire valoir. Premièrement, la situation économique de la région de l'Asie-Pacifique n'a jamais tenu du miracle. Elle se fondait sur de réels progrès économiques, comme il est mentionné à la deuxième page du chapitre 2 de notre rapport, notamment sur des indicateurs de la Banque mondiale.
Deuxièmement, la crise de 1997 en Asie a prouvé qu'il n'existe aucune mystique particulière en Asie; autrement dit, les pays d'Asie n'ont pas trouvé le moyen d'échapper aux forces et aux règles habituelles de l'économie.
Quant au chapitre sur l'intervention du FMI en Asie, cela demeure un des points qui a donné lieu au plus vif débat en ce qui concerne la crise en Asie-Pacifique. Comme le dit le rapport du comité, le système financier mondial actuel est de plus en plus critiqué.
Le principal problème vient du fait que, même si les marchés financiers sont beaucoup plus intégrés que les marchés des produits et que le capital est beaucoup plus mobile que les autres facteurs de production, il n'y a, contrairement au commerce, aucune intendance mondiale des transactions financières internationales. Qui plus est, les structures internationales actuelles sont non seulement inadéquates, mais asymétriques; elles sont plutôt conçues pour astreindre les emprunteurs à plus de discipline que pour réglementer les bailleurs de fonds. C'est tout le contraire des systèmes financiers nationaux. Les structures internationales visent d'autre part à gérer les crises plutôt qu'à les prévenir.
Un mouvement destiné à renforcer les structures financières mondiales est quasi inévitable dans le sillage de la crise financière asiatique, et c'est très bien ainsi. Chacun s'entend de plus en plus pour dire que des changements profonds s'imposent, pas seulement des palliatifs. À l'heure actuelle, conformément à son mandat, le FMI intervient sur invitation seulement et se fie aux données du pays. Cependant, on s'entend dans la plupart des milieux pour dire que le FMI n'a pas été particulièrement fautif ou inefficace en Asie. Ses faiblesses sont plutôt génériques; ce sont, par exemple, ses structures, son manque de transparence et son manque d'attention aux incidences humaines de ses politiques.
Dans cette veine, la recommandation 4 du même chapitre est fort louable; elle demande que le gouvernement du Canada examine tant sur le plan bilatéral, avec divers pays, que dans des assemblées internationales, l'idée d'un organisme de surveillance mondial des organismes nationaux de réglementation des banques. Cependant, la question de la véritable efficacité potentielle de cet organisme demeure toute entière, comme pour le FMI. C'est en partie pourquoi le comité a demandé un renvoi pour étudier le FMI au cours des prochains mois.
Je voudrais attirer l'attention des sénateurs sur le chapitre concernant la sécurité en Asie-Pacifique. On y fait état des menaces traditionnelles à la sécurité et l'on mentionne les conflits possibles dans la région, mais les aspects les plus inquiétants concernent le commerce des armes. Après le Moyen-Orient, la région de l'Asie-Pacifique constitue le plus important marché d'armes dans le monde. Contrairement aux années de l'après-guerre froide, au cours desquelles on a vu les pays de l'OTAN et les anciens alliés du pacte de Varsovie réduire leur personnel et leur matériel, ces dernières années, on a vu les pays de l'Asie de l'Est accroître considérablement leurs dépenses à ce chapitre. M. David Dewitt, directeur du Center for International and Security Studies de l'Université York, a décrit l'Asie-Pacifique comme suit:
Un des aspect positifs de la crise financière sur les marchés asiatiques, c'est peut-être le fait que les gouvernements de ces États ont une capacité financière réduite et qu'ils doivent donc limiter leurs achats. Mis à part certains accords bilatéraux, il n'y a pas de mécanismes visant à assurer la sécurité régionale actuellement et il n'y en a jamais eu dans le passé. Nous ne devrions pas sous-estimer les tensions dans cette région.... le pôle d'attraction des armes, tant nouvelles que vieilles, recyclées et dernier cri.
Je remarque que la Chine possède la plus grande armée du monde. La richesse est mobilisée pour les armes. Il faut réellement encourager une désescalade dans la région et commencer à établir un climat de confiance ou un climat propice à l'instauration de la confiance, comme on l'entend souvent.
Je crois que la politique du gouvernement du Canada va dans la bonne direction, et les recommandations contenues dans le rapport du comité permettraient de renforcer les activités actuelles. Si nous voulons prévenir les conflits, il faut agir maintenant, sans attendre qu'ils soient sur le point d'éclater. En l'occurrence, les mesures de la deuxième voie énumérées dans notre rapport sont capitales, car elles donnent un rôle plus direct à la société civile et au monde universitaire et, par conséquent, elles instaurent un climat plus propice à la paix que les seuls contacts gouvernementaux, qui aboutissent inévitablement à des dialogues sur la défense de la souveraineté.
Je passe maintenant à la politique commerciale du Canada dans la région Asie-Pacifique. La plupart des témoins, y compris les fonctionnaires, ont souligné que le Canada devait accroître ses échanges avec cette région. Trois grandes raisons ont été évoquées: la mondialisation des marchés, la nécessité d'être concurrentiel et la constatation que seules les exportations permettront à l'économie canadienne de croître.
Les personnes déjà actives dans la région Asie-Pacifique ainsi que les spécialistes de la région entendus par le comité ont souligné son énorme potentiel de croissance. L'accroissement des activités commerciales dans cette région, particulièrement en Chine, semble être la voie la plus facile pour améliorer la situation économique nationale.
Bref, la «fièvre asiatique» a éclaté, comme l'a dit Chris Patton dans son livre East and West. Le gouvernement du Canada semble articuler la stratégie commerciale canadienne sur deux concepts: Équipe Canada et l'APEC, avec la libéralisation des échanges comme clé des succès connus en 1997. Notre étude a été faite après la crise économique au Mexique et pendant une période de prospérité économique durable au Chili. Le dialogue avec les fonctionnaires et les ministres canadiens n'a pas été axé sur la nécessité d'étudier notre productivité nationale, notre structure fiscale, notre stratégie de recherche et développement et le reste. Toutes ces questions ont été laissées de côté. Le miracle économique n'a pas non plus été remis en cause. Au contraire, on en a chanté les louanges, rejetant du revers de la main toute critique ou toute remise en question sous prétexte qu'elles étaient sans fondements. L'Asie avait en quelque sorte trouvé la clé du succès, et peu d'observateurs mettaient en doute sa poursuite. Nombre d'entre eux ont en fait prédit le maintien de l'expansion. C'était un temps où le succès économique était considéré comme le précurseur de toutes sortes de changements bénéfiques.
(1700)
Le sujet de discussion au sein des mandarins canadiens était la question de savoir comment sauter dans l'arène et non à quel coût. Leur réponse est venue rapidement et elle était sans appel - ce serait à l'aide d'Équipe Canada et de la libéralisation des échanges par le truchement de l'APEC.
C'était rassurant de constater que certains des témoins, des gens d'affaires notamment, ont donné un compte rendu plus équilibré. Si les occasions commerciales sont bien réelles et continueront de l'être, il n'en reste pas moins qu'il y a de vrais dilemmes quand on travaille dans la région de l'Asie-Pacifique. Comme un témoin l'a fait remarquer, les ententes ne se concluent qu'après l'établissement de longues relations. Nombre de témoins ont soulevé les questions de la corruption, de l'élitisme, de l'absence d'un pouvoir judiciaire indépendant, de l'absence de protection ou de recours en matière de contrats et de l'absence de la primauté du droit.
Les gens d'affaires canadiens ont même parlé de l'établissement de codes de conduite professionnelle pour suppléer au manque d'éthique affiché par la concurrence. Certains ont même soulevé la nécessité de tenir responsables de violations des droits de la personne des pays qui sont pourtant signataires de conventions sur les droits de la personne.
Tout cela se passait pendant que le gouvernement canadien s'en allait dans une direction différente. J'en reparlerai plus tard.
La rapport a fait part au gouvernement, pour qu'il les étudie, d'une foule d'excellentes suggestions faites au comité par des entreprises canadiennes dans la région de l'Asie-Pacifique. Par exemple, la nécessité d'aider les PME était primordiale. La formation interculturelle et un usage plus efficace de la population immigrante du Canada ont été expliqués et recommandés. En fait, on a dit de la population immigrante qu'elle était notre carte cachée, et pas n'importe laquelle. On a également soulevé la nécessité de la transmission des connaissances dans nos ambassades.
Du côté ministériel, il semble que le débat ait été simplifié par l'équation suivante: Équipe Canada pour ouvrir les portes et l'APEC pour faire tomber les barrières.
La position du Canada semble tenir davantage de la recherche d'une solution miracle que de l'analyse approfondie. À l'époque enivrante du miracle asiatique, le Canada - et il n'a pas été le seul - n'a pas poursuivi une politique commerciale normale ni une politique étrangère équilibrée et fondée sur des principes. Non. Il a plutôt opté pour une solution rapide, à savoir accaparer par n'importe quel moyen une bonne partie du marché en expansion. C'était une façon certaine et facile pour le Canada de sortir de ses difficultés financières, et il la voulait, semble-t-il, à tout prix.
Qu'est-ce que cela a donné? Tous les pays sont jugés en fonction de leurs succès économiques, mais pas seulement en fonction de cet indicateur. Le gouvernement canadien a commis l'erreur de transformer la politique étrangère du Canada en politique commerciale et d'oublier ou de reléguer au second plan tous les autres aspects de cette politique.
Au début de 1997, le professeur Brian Job, de l'Institut des relations internationales de l'Université de la Colombie-Britannique, prophétisait presque lorsqu'il a fait remarquer ceci:
Ce que je veux fondamentalement faire valoir ici, c'est que les universités et les secteurs public et privé du Canada ne peuvent pas définir leurs relations avec l'Asie simplement en termes économiques, à savoir des emplois et encore des emplois et du commerce et encore du commerce. Si nous définissons notre politique étrangère et nos relations bilatérales avec l'Asie seulement en termes économiques, nous ferons preuve de myopie, car nous finirons ainsi par compromettre nos intérêts économiques et nos succès dans la région.
Mon premier point concerne le fait que la stabilité, la sécurité et l'économie sont indissociables dans la région de l'Asie et du Pacifique. Mon deuxième point a trait aux désavantages liés à ce que j'appelle une «politique étrangère monochromatique.» Le troisième point est celui de la durabilité après l'APEC et l'Année de l'Asie et du Pacifique au Canada.
Pour ce qui est du fait que la stabilité, la sécurité et l'économie sont indissociables, un sondage a été effectué en 1995 auprès des cadres supérieurs et des gestionnaires intermédiaires qui font des affaires dans la région de l'Asie et du Pacifique. Il révèle que 77 p. 100 des répondants estiment que l'instabilité politique est le principal obstacle au commerce dans les marchés émergents de la région. En janvier 1997, l'éditorial principal de la Far Eastern Economic Review précisait ce qui suit:
Les interrogations concernant le miracle asiatique ont peu à voir avec les affaires. Du Japon à la Thaïlande, en passant par l'Indonésie, les interrogations sont essentiellement d'ordre politique.
À mon avis, nous devons continuer à tenir compte de ces aspects particuliers de la région et de ces pays dans notre politique étrangère et économique. Je crois même que nous devrions y attacher un peu plus d'importance que nous ne le faisons à l'heure actuelle.
Le deuxième volet de mon intervention porte sur les inconvénient de ce que j'appelle une «politique étrangère monochromatique.» J'exagère un peu cet aspect, mais j'utilise cette expression pour attirer votre attention.
Dans son énoncé de politique étrangère, le gouvernement canadien précise que sa principale priorité est d'ordre économique, c'est-à-dire contribuer à l'amélioration de la santé économique des Canadiens. C'est certes logique dans une pays aussi tributaire du commerce que l'est le Canada. Il doit en résulter des politiques étrangères ayant pour objet de faire progresser nos intérêts économiques. Toutefois, cela ne signifie pas pour autant que nos politiques étrangères peuvent ou doivent être définies uniquement en termes d'économie.
Le Canada constatera de plus en plus que ses intérêts économiques ont une incidence sur les plans social, politique et de la sécurité.
À la page 110 de son livre intitulé: East and West, M. Chris Patten dit ce qui suit:
En dépit des dispositions amicales du gouvernement Chrétien et de son intérêt avoué à l'égard des droits de la personne, nous avons eu la nette impression que les préoccupations entourant le commerce avec la Chine ont empêché d'aborder avec franchise les questions politiques au sujet desquelles la Chine semblait chatouilleuse.
Cette politique à courte vue a compté pour beaucoup dans la décision de leaders asiatiques, par exemple, de n'accepter aucune critique, de se cacher derrière la souveraineté, de forcer des pays à se plier à leurs opinions et à leurs souhaits et de présenter les valeurs asiatiques comme différentes des valeurs internationales.
De fait, en Chine à cette époque, il n'était jamais question des trois T: la place Tienanmen, Taiwan et le Tibet. Ces mots n'étaient pas tolérés. La suggestion ou la référence explicite au risque de perdre des contrats commerciaux était à l'ordre du jour. La capitulation du Canada et d'autres pays devant la résolution présentée par la Chine devant la Commission des droits de l'homme sera une source de regrets.
Ces concepts sont à la base de la question de savoir si le changement politique suit le développement économique, ou inversement, mais surtout si la notion des droits de la personne est trop occidentale et doit venir après la réforme économique.
Le débat s'est cristallisé dans un échange très intéressant survenu au comité le 9 avril 1997, entre le président du comité et M. Amitav Acharya, professeur agrégé au département de science politique de l'Université York de Toronto et également professeur agrégé au Centre mixte des études Asie-Pacifique de l'Université de Toronto et de l'Université York.
Son Honneur le Président: Honorable sénateur Andreychuk, je regrette de vous interrompre, mais vos 15 minutes sont écoulées.
L'honorable sénateur a-t-elle l'autorisation de poursuivre?
Des voix: D'accord.
Le sénateur Andreychuk: M. Acharya a fait un exposé long et fouillé devant le comité des droits de la personne. Le président, excellent et pénétrant comme toujours, et voulant sans doute se faire l'avocat du diable dans une certaine mesure, a adopté la position contraire à celle que présentait M. Acharya au sujet des droits de la personne, en faisant remarquer que la notion de droits de la personne en Angleterre et en France avait été lente à prendre forme. Ces pays ont mis beaucoup de temps à préférer d'abord la paix et la sécurité. Il a déclaré:
Sur la base de cet exemple, qu'y a-t-il de répréhensible dans la position adoptée dans certains pays par des gens réfléchis qui estiment qu'en dépit de leurs bonnes intentions, les défenseurs des droits de la personne risquent d'apporter la pauvreté et l'anarchie?
M. Acharya a répondu ainsi:
Je vais être franc avec vous: il y a deux éléments qui ne tiennent pas dans cette politique. Tout d'abord, à l'époque où les pays comme l'Angleterre, les États-Unis et les pays européens en étaient à un stade comparable dans leur évolution économique et à l'époque où ils privilégiaient la paix et la stabilité par rapport aux droits de la personne, ces pays étaient dans un environnement international où les droits de la personne ne comptaient pas. Il n'existait pas alors de normes internationales en matière de droits de la personne.
Aujourd'hui, les gouvernements asiatiques disent la même chose que vous [...]. Nous ne sommes indépendants que depuis 40 ou 50 ans. Les pays européens ont des siècles d'existence derrière eux. Ils ont connu leurs propres guerres et dissensions. Ils ont connu de longs troubles. Les droits de la personne n'existaient pas à cette époque-là. Qui sont-ils pour nous dire qu'il faut respecter les droits de la personne alors qu'il leur a fallu des siècles d'évolution pour en faire autant?
Je réponds à cela que le monde a évolué. Il existe aujourd'hui des normes de comportement internationales qui sont très différentes de celles qui existaient au XVIIe et au XVIIIe siècles. Les droits de la personne constituent aujourd'hui une norme admise en politique internationale, et c'est pourquoi je pense que l'on peut s'y initier beaucoup plus rapidement. Il faut essayer de s'y adapter plus rapidement.
Ce que je tiens à dire, c'est qu'à mon avis il n'y a pas de corrélation négative entre les droits de la personne et la prospérité. Jusqu'à récemment les gens disaient: «Prenez l'Asie du Sud-Est. Singapour a très bien réussi. C'est un pays prospère grâce au totalitarisme doux qui y règne. Les dirigeants de Singapour disaient pour leur part: prenez l'Inde, prenez les Philippines. Ces pays jouissent de toutes les libertés civiles, mais sur le plan économique, ils sont loin derrière Singapour.»
Cela a changé, bien entendu.
Il a ajouté:
Même si je vous concède qu'il est nécessaire au début d'imposer des restrictions aux droits de la personne si l'on veut une stabilité politique en même temps qu'une croissance économique, on ne peut pas faire cela pour toujours [...]. Pourquoi dans les années 90 ce pays conserve-t-il les mêmes politiques des années 50 et 60.
Pourtant, le revenu par habitant a augmenté à Singapour.
J'ai soulevé la question des valeurs asiatiques et des droits de la personne en tant que concept occidental. Encore une fois, le professeur Acharya a répondu en disant ceci:
Je conçois les droits de la personne comme des droits dont chacun jouit du simple fait d'être humain et sans égard à la culture dont il est issu.
Les gouvernements de ces pays admettent cependant qu'il existe des droits de la personne fondamentaux. Reste à voir comment ces droits sont respectés en pratique. Il s'agit d'une question très complexe.
On a beaucoup étudié la question de la place qu'accordent différentes cultures au respect des droits de la personne, et toutes ces études ont abouti à la même conclusion que vous, à savoir que chaque culture reconnaît et respecte la dignité des êtres humains. Il faut simplement s'assurer que les autorités politiques en font autant.
Beaucoup d'autres lui ont fait écho. Par conséquent, la dimension des droits de la personne s'est toujours profilée derrière notre étude sur le commerce et l'investissement.
Délaissant les usages, le gouvernement canadien s'est fait le défenseur de certains dirigeants de la région de l'Asie et du Pacifique, épousant leurs arguments au lieu de faire valoir son point de vue. Cette tâche a été laissée aux Canadiens et aux organisations. Dans le processus, on a oublié les valeurs et les bons usages. Notre slogan est devenu «L'économie d'abord».
Que s'est-il passé pour qu'on en arrive là? Il y a toujours eu un dialogue au sujet des méthodes et des mécanismes que le Canada devrait appliquer dans la défense des droits de la personne. C'était la première fois, dans l'histoire récente, qu'un gouvernement du Canada reléguait ainsi les droits de la personne aux derniers rangs. On aurait dit que, tandis que le premier ministre Chrétien affirmait l'importance des emplois et des échanges commerciaux, il faisait par ailleurs, avec d'autres membres de son gouvernement, des déclarations beaucoup moins utiles, par exemple que le Canada ne devrait pas être trop dur sur le plan des droits de la personne. Beaucoup se sont alors demandé: «Quand avons-nous été trop durs?» Les protestations sont allées bon train, parce que nous ne sommes plus des louveteaux, mais même si le Canada s'exprime, nous ne sommes pas assez puissants pour être écoutés.
Le problème avec cette attitude toujours changeante est de deux ordres. Premièrement, ce n'est pas représentatif de la majorité des Canadiens. Deuxièmement, l'affaire a coïncidé avec le développement des tigres de l'Asie et du miracle asiatique.
Le gouvernement du Canada mettant l'accent sur le commerce, le sommet de l'APEC de Vancouver prenait un tout autre aspect. Les hauts fonctionnaires se sont donné beaucoup de mal, les uns après les autres, pour décrire l'APEC comme une manifestation commerciale où il n'y avait pas de place pour d'autres questions, et surtout pas pour les droits de la personne.
Cependant, bon nombre de personnes à l'extérieur du gouvernement n'étaient pas d'accord. Mme Maureen O'Neil, présidente du Centre international des droits de la personne et du développement démocratique, a déclaré:
Je tiens à remercier le comité d'avoir convoqué des audiences sur l'APEC et surtout de nous avoir offert l'occasion de vous parler de questions qui ne sont pas à proprement parler d'ordre économique ou commercial, mais qui concernent les vastes incidences de la participation à l'APEC, sur le plan social, environnemental et des droits de la personne.
On ne cesse de répéter que l'APEC offre une tribune de discussion sur le commerce et, jusqu'à un certain point, sur la coopération économique ou technique et qu'il est inutile d'en troubler les eaux par d'autres enjeux. Cela témoigne, à notre avis, d'un manque de vision...
Il devient de plus en plus clair qu'on ne peut pas discuter de commerce et d'investissement sans aborder simultanément les questions de droits de la personne et de démocratie.
Mme O'Neil a également déclaré que la conception des droits de la personne que nous présentent les membres de l'APEC n'est pas celle de l'ensemble des habitants, mais bien celle des leaders, et que ces valeurs fondamentales que nous appelons droits de la personne se retrouvent dans ces pays.
Poussés à présenter d'autres sujets, les représentants gouvernementaux ont inclus une tribune d'une ONG sur des questions de développement humain, mais ils ont tout de même continué de rejeter toute question ayant trait aux droits de la personne. J'ai clairement eu l'impression que la question des droits de la personne était taboue, qu'on devait se limiter aux sujets commerciaux. Ce n'était pas l'endroit propice aux discussions ou aux manifestations d'opposition et toute opinion opposée n'aurait certainement pas été admise.
Il n'est donc pas difficile de comprendre ce qui a entraîné les manifestations de Vancouver. Nous continuerons d'analyser le comportement de notre gouvernement dans le cadre de l'étroitesse de sa politique étrangère.
Comme je l'ai dit au cours des audiences de février 1997, il ne s'agit pas d'un débat sur les droits de la personne en Asie-Pacifique. C'est un débat canadien. Il a été créé et organisé par notre gouvernement. La majorité des Canadiens avaient une bonne compréhension de la question des droits de la personne.
De façon plutôt paradoxale, la conférence de l'APEC de 1997 a souligné qu'il s'agit toujours d'une question canadienne. À mon avis, les réponses pour le gouvernement se trouvent au chapitre 7 du rapport du comité, qui a été adopté à l'unanimité. C'est le point de départ d'une politique étrangère sensée, équilibrée et basée sur des principes. Personnellement, je serais allée plus loin. Toutefois, j'aurais été satisfaite en 1997, et je le serais encore aujourd'hui, si le gouvernement acceptait de respecter les normes minimales établies dans le chapitre 7 de notre rapport.
Enfin, pour résumer la question de l'Asie-Pacifique, je dirai que l'Asie-Pacifique n'est pas là-bas; elle est ici, comme on nous l'a souvent répété. Cela était très important en 1997 et c'est tout aussi important aujourd'hui. Cependant, notre politique étrangère est importante également, et j'espère qu'elle sera mieux équilibrée à l'avenir.
L'honorable John B. Stewart: Honorables sénateurs, je crois qu'on peut dire en toute justice que tous les membres du comité attachent une grande importance aux droits de la personne. Cependant, on nous a dit qu'un des problèmes qui existent dans cette région du monde, c'est que les gouvernements y sont souvent faibles. Lorsqu'un gouvernement prend des mesures comme celles qui ont été prises place Tienanmen, cela n'est pas une démonstration de force, mais un aveu de faiblesse.
Le problème, dans bien des pays, c'est qu'ils ont des gouvernements faibles. Ils ont la compétence pour signer des accords et des conventions à New York, mais, lorsqu'ils retournent chez eux, ils n'ont pas la compétence voulue pour les respecter.
N'est-ce pas là le vrai problème, plutôt que la conclusion d'un accord sur le contenu d'une charte des droits de la personne?
Le sénateur Andreychuk: Le sénateur Stewart a souvent parlé éloquemment de cette question au cours des audiences de notre comité. Je respecte le point de vue selon lequel la façon de gouverner pose un problème dans cette région. J'encourage d'autres sénateurs qui n'ont pas lu le chapitre 7 à le faire, car on y soulève clairement ce problème.
Quoi qu'il en soit, si nous insistions uniquement sur les aspects économiques, nous oublirions la stabilité et la sécurité, c'est-à-dire la question du bon gouvernement. Nous en avons traité dans le chapitre 7, en disant que nous devons promouvoir dans ces pays une magistrature indépendante, trouver des moyens d'appuyer et d'encourager la société civile et favoriser de bons cadres de développement pour leurs gouvernements.
Je ne crois pas que les problèmes dans la région de l'Asie-Pacifique soient strictement liés à cette question. À mon avis, il faut faire appel aux dirigeants et à leur volonté de s'attaquer aux questions de saine gestion au lieu de se contenter de maintenir le pouvoir et l'autorité. Lorsque les gouvernements font face à des problèmes, il y a des solutions de rechange, s'ils veulent bien s'en prévaloir. Nous avons maintes et maintes fois tenu ce débat. Je me rappelle du débat sur le Guatemala, où le gouvernement n'a pas voulu réagir. Il a dit: «Nous n'avons pas les structures voulues.» C'est notre sécurité qui est menacée. Nous devons adopter ces mesures. Lorsque nous avons commencé à avoir des gouvernements faisant preuve d'ouverture et signalant leurs points faibles et leurs difficultés, il y a eu une désescalade des violations des droits de la personne.
Je souligne ce qui a été dit dans notre communauté par des hommes d'affaires qui se rendaient dans la région. Ils ont dit: «Si des pays de la région de l'Asie-Pacifique se présentent aux Nations Unies, en deviennent membres et adhèrent à des pactes, il est parfaitement normal que le Canada les rappellent à l'ordre en cas de manquements.» La seule façon de maintenir un ordre international universel consiste à les obliger à respecter les documents qu'ils ont signés. Il faudrait peut-être les encourager à adhérer à un plus grand nombre de pactes, mais il ne devrait pas moins y avoir reddition de comptes.
(Sur la motion du sénateur Kinsella, le débat est ajourné.)
[Français]
Les langues officielles
La détérioration progressive des services en français pour les francophones hors Québec-Interpellation-Suite du débat
L'ordre du jour appelle:Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Simard, attirant l'attention du Sénat sur la situation qui prévaut présentement vis-à-vis l'application de la Loi sur les langues officielles, de sa détérioration progressive, du désengagement des gouvernements au cours des dix dernières années et de la perte d'accessibilité des services en français aux francophones hors Québec.-(L'honorable sénateur Kinsella).
L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, le 3 juin 1998, l'honorable sénateur Jean-Maurice Simard a interpellé les membres de cette Chambre pour attirer notre attention sur la détérioration des services en français pour les francophones hors Québec. Comme plusieurs de mes collègues, je désire aujourd'hui, par mon intervention, l'appuyer dans sa démarche en attirant votre attention sur le récent rapport du Groupe de travail sur les transformations gouvernementales et les langues officielles.
[Traduction]
Cependant, avant de parler du rapport, je voudrais soulever quelques questions connexes, uniquement parce que ces deux questions m'ont troublé récemment au sujet de nos langues officielles. Les deux concernent le monde de l'enseignement, dont je fais partie.
J'étais curieux de savoir quels progrès ont été réalisés dans le monde de l'enseignement au Canada en ce qui concerne les langues officielles. J'ai donc communiqué avec l'Association des universités et collèges du Canada et l'Association canadienne des professeurs d'université. Je leur ai demandé, en 1999, quel pourcentage du corps professoral canadien est maintenant bilingue, et comment cela se compare à la situation d'il y a 25 ans. Malheureusement, honorables sénateurs, aucun de ces organismes, ainsi qu'ils me l'ont expliqué, ne conserve de données sur la capacité du corps professoral des institutions canadiennes de communiquer dans les deux langues officielles.
Certes, la Loi sur les langues officielles ne s'applique pas directement aux universités. Cependant, nous admettons tous que le Trésor public du Canada constitue, par l'entremise des programmes de transfert, de prêts aux étudiants et de recherche, une importante ressource pour le monde de l'enseignement au Canada. Je ne connais pas la situation actuelle, mais j'espère que quelqu'un étudiera la question.
Je pense qu'à moins qu'on fasse preuve de leadership dans notre pays, les progrès que nous accomplirons collectivement ne seront peut-être pas aussi importants qu'ils le devraient.
Deuxièmement, comme les honorables sénateurs le savent sûrement, diverses associations universitaires canadiennes, comme celle des économistes et celle des politicologues, se réunissent à cette période de l'année. Afin de maintenir leurs coûts au minimum, elles se réunissent dans différentes universités au Canada, sous l'égide des Sociétés savantes. Je me souviens d'avoir assisté à une de leurs rencontres il y a quelques années et d'avoir vu une banderole qui souhaitait, dans les deux langues, la bienvenue aux membres des Sociétés savantes. J'ai été étonné. Que s'est-il passé? On offrait des services d'interprétation simultanée en français et en anglais à nos savants du Canada. J'ai trouvé cela un peu curieux. J'ai essayé de savoir combien de nos Sociétés savantes obtenaient des subventions gouvernementales pour la traduction ou l'interprétation. N'est-ce pas révélateur? Pouvez-vous imaginer des associations professionnelles qui se réunissent en Belgique ou en Suisse et qui offrent des services d'interprétation simultanée? Cela ne se produit pas. Tous communiquent dans les langues officielles de leur pays.
[Français]
Depuis quelques années, l'application par le gouvernement fédéral de la Loi sur les langues officielles dans l'administration publique fédérale et son appui aux minorités francophones de notre pays se sont souvent retrouvés au centre de l'actualité. Au cours des dix dernières années, le gouvernement fédéral, peu importe l'équipe ministérielle qui était en poste, a effectué des transformations importantes de son appareil administratif en vue de moderniser et de rationaliser la prestation des services à la population canadienne.
Les transformations gouvernementales ont donc grandement affecté les citoyens dans leur vie quotidienne. Dans les cas de privatisations des services qui ont eu lieu, ce sont des lieux de services et parfois même des espaces de rencontres qui furent éliminés dans plusieurs régions du pays.
Pour plusieurs, il était clair que l'impact des transformations gouvernementales sur la population canadienne méritait une étude approfondie. Le commissaire aux langues officielles du Canada a entrepris une telle étude du point de vue des langues officielles. Dans le rapport intitulé Les effets des transformations du gouvernement sur le programme des langues officielles du Canada, le commissaire a affirmé que ces changements avaient donné lieu à une détérioration marquée de l'accès à des services dans l'une des deux langues officielles dans plusieurs régions du pays pour les communautés francophones, à un désengagement du fédéral envers ses responsabilités et à un affaiblissement important du programme des langues officielles au Canada. Face à ce constat, le commissaire a sévèrement critiqué le gouvernement fédéral.
(1730)
En réponse à ces critiques, le président du Conseil du Trésor a créé en 1998 un groupe de travail, dirigé par M. Yves Fontaine. Cette équipe était constituée de membres provenant de toutes les régions du pays et des milieux majoritaires et minoritaires de langues officielles. Le groupe avait pour mandat d'effectuer une analyse sur les conséquences, au plan des langues officielles, des transformations gouvernementales et de proposer toute mesure d'amélioration voulue. L'enquête devait porter sur les éléments suivants: les services au public, la langue de travail, la participation équitable et l'épanouissement des communautés de langues officielles en situation minoritaire. Le groupe de travail a aussi analysé l'état des obligations des engagements et des régimes d'imputabilité en matière de langues officielles au niveau du gouvernement fédéral suite à ces transformations.
Après plus de huit mois d'enquête et après plusieurs consultations, le Groupe de travail sur les transformations gouvernementales et les langues officielles a présenté les résultats de son enquête au président du Conseil du Trésor, en janvier 1998. Dans le rapport intitulé Maintenir le cap: la dualité linguistique au défi des transformations gouvernementales, que d'autres ont appelé le rapport Fontaine, le groupe en est arrivé à la conclusion que les transformations ont touché grandement les droits linguistiques des communautés de langues officielles en situation minoritaire, en particulier ceux des francophones hors Québec.
Dans une large mesure, le rapport n'a fait que confirmer ce que le commissaire aux langues officielles avait déjà dénoncé. En général, le groupe Fontaine a conclu que les transformations gouvernementales des dix dernières années avaient donné lieu, et je cite:
À ce sujet, lors des consultations tenues par le groupe, la Société Saint-Thomas-d'Aquin de l'Île-du-Prince-Édouard a déclaré, en parlant des enjeux inhérents aux transformations gouvernementales, que les membre des communautés francophones hors Québec s'étiolent en réalisant que leurs droits constitutionnels n'existent en réalité que sur papier. Dans un avenir rapproché, ils vont cesser de lutter pour leurs droits. Pour l'organisme, l'absence d'imputabilité de l'administration publique fédérale et son désengagement face aux communautés minoritaires provoquent la remise en question de la Loi sur les langues officielles.[...] à une érosion subtile mais cumulative des droits linguistiques au plan des services publics, de la langue de travail, de la participation équitable ainsi que de l'appui au développement des communautés de langues officielles en situation minoritaire.
Honorables sénateurs, il est donc urgent que le gouvernement fédéral réaffirme solennellement son engagement envers les minorités linguistiques du pays de faire respecter les dispositions de cette loi s'il ne veut pas perdre sa crédibilité auprès des Canadiennes et des Canadiens.
Par contre, le rapport Fontaine a aussi fait état plus particulièrement de l'impact de la privatisation récente de plusieurs sociétés d'État fédérales et du transfert de responsabilités aux administrations provinciales sur l'efficacité du mécanisme de reddition de comptes au Parlement du Canada en ce qui a trait à l'application et au respect des dispositions de la Loi sur les langues officielles en matière de prestation de services dans les deux langues.
En ce qui concerne les problèmes que peut entraîner la privatisation d'une société de la Couronne, le comité reconnaît que le respect de tous les droits et obligations prévus dans la loi a créé un défi de taille, car le Parlement n'a plus aucun pouvoir pour contrôler l'application des dispositions en matière de prestation de services dans les deux langues officielles. De plus, ces nouvelles entreprises ne sont plus assujetties aux mécanismes de reddition de comptes comme les ministères du gouvernement fédéral, par exemple. Des entreprises comme Air Canada ou le Canadien National sont des sociétés commerciales qui doivent, à l'ère de la mondialisation des marchés, répondre à des exigences de rentabilité et de compétitivité. Dans cette optique, la culture d'entreprise de ces sociétés doit refléter cette circonstance. Il est donc plus difficile d'intégrer les obligations en matière linguistique dans cette nouvelle culture organisationnelle. Le groupe recommande donc au gouvernement de mener auprès de ces anciennes sociétés d'État une action sur mesure, qui tienne compte du nouvel environnement dans lequel elles évoluent tout en développant des mécanismes adaptés de suivi, d'évaluation et d'imputabilité face à l'application des dispositions de la loi.
Honorables sénateurs, en terminant, je tiens à vous rappeler que la force et l'unité de notre pays tiennent à la vitalité de ses communautés culturelles. Le Canada regroupe deux communautés linguistiques - francophone et anglophone - officiellement reconnues au Canada et dans ma province du Nouveau-Brunswick, les peuples des premières nations et des individus aux origines multiples formant un ensemble et un partenariat unique au monde. Les langues française et anglaise sont des caractéristiques fondamentales de notre identité comme Canadiens et Canadiennes. Elles sont aussi à la base des fondements constitutionnels, politiques et culturels de notre pays. Nos pères les ont reconnues en 1867, et elles furent constitutionnalisées en 1982. Elles témoignent de l'existence d'une dualité linguistique qui doit être chère aux Canadiennes et aux Canadiens.
Cette année, honorables sénateurs, nous célébrons le trentième anniversaire de la Loi sur les langues officielles. Il est vrai que l'utilisation du français hors Québec a progressé au sein du gouvernement fédéral et dans les provinces. Par contre, au cours des dix dernières années, le contexte a changé, comme je le disais plus tôt.
Les impératifs du déficit zéro et de la mondialisation semblent avoir relégué à l'arrière-plan les objectifs de la loi. Les simples correctifs administratifs proposés par le président du Conseil du Trésor ne sont plus suffisants pour corriger les problèmes soulevés par le commissaire aux langues officielles et par le rapport Fontaine.
Honorables sénateurs, le Parlement du Canada se doit d'étudier cette question plus profondément en fonction des nouvelles réalités nationales et internationales auxquelles fait face notre pays. Ces réalités sont bien différentes de celles qui ont mené à l'adoption de la loi en 1969.
Pour toutes ces raisons, il me grand plaisir aujourd'hui d'appuyer le sénateur Simard dans sa démarche.
(Sur la motion du sénateur Carstairs, au nom du sénateur Gauthier, le débat est ajourné.)
[Traduction]
L'ajournement
Permission ayant été accordée de revenir aux avis de motion du gouvernement:L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)h) du Règlement, je propose:
Que, lorsque le Sénat s'ajournera aujourd'hui, ce soit au lundi 31 mai 1999, à 20 heures.
Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?
Des voix: D'accord.
(La motion est adoptée.)
(Le Sénat s'ajourne au lundi 31 mai 1999, à 20 heures.)